Origine et tradition
Le mot icône est d'origine grecque : eikôn signifie «image», «portrait». La Nativité du Christ marque la naissance de l'icône. Le Verbe s'est fait chair, l'Invisible est devenu visible, Dieu s'est fait visage. Un Visage unique qui se répète à travers les visages de la Mère de Dieu et des saints baignés de la même lumière incréée.
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Au lieu d'être d'abord le fruit d'une intuition ou la traduction d'une impression ou d'une abstraction, l'icône est le fruit d'une tradition : elle est une oeuvre longuement méditée, patiemment élaborée, par des générations de peintres. L'iconographe est l'exécutant d'une oeuvre qui le dépasse et rien de ses états d'âme ni de sa sensualité ne doit transparaître, pas même sa signature. |
Mère de Dieu de Smolensk, Atelier Saint-André
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La beauté de l'icône
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La beauté de l'icône dérive avant tout de la vérité spirituelle, donc de l'exactitude du symbolisme et de l'utilité pour la contemplation et le culte. L'icône représente des personnes stylisées et idéales, empreintes de réalisme par le respect des formes sans toutefois dévier vers le naturalisme. Si la personne représentée est, certes, toujours ressemblante, le corps dépeint n'a rien de charnel car la chair fait place à un corps transfiguré : l'homme terrestre se transforme en homme céleste. |
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Pantocrator, Grèce XIVème siècle
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Une spiritualisation du monde
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Le monde transfiguré que présente l'icône se manifeste également dans sa représentation de la nature.
Les montagnes, légères et aériennes, semblent nous inviter à l'élévation et la végétation a retrouvé sa beauté édénique.
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Les architectures et les objets sont soustraits à la matérialité du monde. Ils bousculent les conceptions logiques et défient les lois de l'équilibre à l'exemple du baldaquin ci-contre.
Les proportions sont complètement ignorées, les portes et les fenêtres souvent disposées bizarrement avec des mesures irréalistes.
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Le visage, centre de l'icône
Dans l'icône, c'est le visage qui est le centre de la représentation : il est le lieu de présence de l'Esprit de Dieu.
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Le regard reflète l'âme qui nous interpelle. Les yeux illuminés par la vision de Dieu communiquent le message céleste qui est accueil, miséricorde, vérité et contemplation. Au-dessus des arcades qui renforcent l'expression du regard, s'élève le front, siège de la sagesse et de l'intelligence, souvent très haut, bombé et sphérique, signifiant la force de l'esprit et la science des hommes de Dieu. Le nez est fin et allongé, signe de noblesse. Les narines, légères et discrètes, expriment la maîtrise et l'intériorisation des passions. Sans trop de relief, ni trop de creux, les joues rayonnent de la lumière intérieure. Seules celles des ascètes montrent des rides profondes, marques du jeûne et des veilles de prières. Les lèvres sont très fines (privées de toute sensualité), géométriques et toujours fermées dans le silence de la contemplation. Les oreilles sont à l'écoute de la parole divine. La barbe, fournie et généreuse, manifeste la force et la sérénité du saint.
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Saint Polycarpe, Evêque de Smyrne, Atelier Saint-André
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Les proportions du visage
L'étude du module byzantin du visage nous permet l'accès au monde idéal et presque abstrait de l'esthétique de l'icône. Les formes sont restructurées en vue de refléter non seulement l'enveloppe matérielle des êtres, mais leur essence : on emprunte l'apparence humaine et on soumet celle-ci à un système géométrique, rythmique et chromatique particulier plus apte à suggérer l'intériorité, l'essence spirituelle et divine. Jusqu'au début du XVIIème siècle ces critères simples déterminent les visages dans la plupart des icônes. Plus tard ce schéma semble perdu. L'influence naturaliste de l'Occident s'impose. Les visages deviennent lourds et plats, ils ont perdu l'harmonie et le rayonnement des icônes anciennes.
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Pour les proportions du visage l'iconographe byzantin utilise le module qui correspond toujours à la longueur du nez. Ainsi la tête est inscrite dans deux cercles, l'auréole souvent déterminée par un troisième. Le premier cercle qui a pour rayon le nez donne l'espace pour les yeux et le front. Le second cercle composé d'un rayon de deux modules indique le volume de la tête. Le centre des cercles est situé à la racine du nez, entre les deux yeux. Les pupilles sont placées à une moitié de module du centre du cercle, ceci donne un triangle qui procure au visage sa noblesse et sa finesse. Ce schéma est une aide pour l'artiste, sans être la stricte condition du dessin comme nous l'observons ici par le mouvement des cheveux. Mais il se révèle comme un fond mystérieux du chef-d'oeuvre, comme un des secrets de son harmonie. |
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Pantocrator, Atelier Saint-André
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Le visage de trois quarts
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L'art de l'icône, respectant l'espace à deux dimensions du support et refusant ainsi l'illusion du relief et de la profondeur, traite le visage de trois quarts comme une vue frontale. Le visage est comme étiré sur la planche pour s'ouvrir vers le spectateur et rayonner de sa présence.
Les têtes de profil sur les icônes sont rares et maladroitement dessinées. Le profil signifie que le personnage est moins important et souvent même méchant.
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Archange Michel, Atelier Saint-André
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