Atelier saint André Le manuel d'iconographie chrétienne
 





 


L’expression de la peinture d’icônes orthodoxes
composée par le peintre d’icônes Photis Kondoglou

Morphologie et Iconographie


AVANT PROPOS.

L’art de l’iconographie orientale est un art liturgique vénérable, comme le sont tous les arts ecclésiastiques qui ont un but spirituel Ces arts ne visent pas seulement à décorer le temple par de belles peintures pour qu’il soit agréable et accueillant pour les fidèles ou à réjouir leur ouïe par la musique, mais à les élever jusqu'à l’univers mystique de la foi par une échelle spirituelle qui a pour degrés les arts saints, l’hymnologie, la psalmodie, l’art de bâtir, la peinture des saints et les autres arts qui contribuent tous ensemble à façonner à l’intérieur des âmes des croyants le Paradis mystique, celui qui est embaumé de parfums spirituels. Pour cette raison les arts ecclésiastiques de l’église Orientale sont des commentaires à la Parole divine.
L’art des icônes, dans l’église Orientale, s’appelle « Hagiographie », car elle peint des visages et des sujets saints. Le peintre religieux n’est pas simplement un artiste qui fait une peinture représentative su des thèmes religieux, mais il a une charge spirituelle, et une fonction spirituelle qui contribuent à la célébration dans l’église avec le prêtre et le prédicateur.
L’icône liturgique a une signification théologique. Elle n’a pas pour fonction de réjouir nos yeux ni de nous rappeler simplement les visages saints, comme le font les images que nous possédons pour nous rappeler les parents et les amis que nous aimons, mais elle est peinte de telle manière qu’elle nous élève au-dessus de ce monde périssable et qu’elle nous fait respirer cet air nouveau du Royaume de Dieu. A cause de cela il n’y a rien de commun avec une peinture qui représenterait, d’une façon matérielle quelque visage, fût-ce celui d’un saint, comme c’est le cas dans la peinture occidentale. Dans l’icône liturgique les visages saints sont représentés dans l’incorruptibilité.
C’est pour cette raison que l’art liturgique ne change pas en même temps que les autres affaires humaines mais qu’il est immuable comme l’église du Christ dont il est l’expression. La véritable tradition est la colonne de feu qui le dirige au milieu du désert du monde inconstant. Cela paraît étrange aux hommes de ce siècle, qui ne sont pas en situation de pénétrer au fond de la mer spirituelle, mais nagent à la surface des impressions, emportés par les courants et les tourbillons d’eau.
L’art liturgique alimente la foi avec des visions et des sons, filtrant ceux qui entrent par les portes des sens, réjouissant l’âme de celui-ci du vin céleste, faisant don à celui-là de la paix de l’intelligence.
Le présent livre est technique et pratique et il se peut que le lecteur pense qu’il est sans rapport avec la théologie. Hé bien ! qu’il sache au contraire que dans l’Eglise Orientale tout est spirituel. C’est ainsi que dans l’art même de la peinture religieuse deviennent spirituels même les outils grossiers, les couleurs les murs et les planches ; et tous les éléments matériels et tous les éléments matériels sont sanctifiés par la grâce du Saint-Esprit, en devenant les instruments d’un art saint.
La connaissance technique de cet art n’est pas seulement un travail mécanique, mais participe de la spiritualité et de la sainteté de ces sujets précisément qu’elle veut représenter. C’est pour cette raison que que même le vocabulaire technique de la peinture religieuse, les dénominations des instruments et l’énonciation qu’a chaque objet qui la concerne, a un caractère religieux. Et ces matériaux dont sert le peintre d’icônes sont bénis, modestes, parfumés, délicats. Ainsi pour faire les carbones avec lesquels il dessine, il se sert d’un bois non putréfié de noisetier ou de myrte sec ; pour faire la planche sur laquelle il peindra l’icône, il se sert du cyprès, du noyer, du châtaignier, du tilleul ou d’un autre bois odorant. Les couleurs sont le plus souvent les terres qui embaument lorsqu’elles ont été humectées d’eau, particulièrement pour la peinture des murs, et répandent un parfum comme les montagnes sous les premières pluies, ou comme une nouvelle cruche d’eau fraîche. Dans l’œuf, verse un peu de vinaigre et quelques gouttes d’essence de lavande pour le conserver. Le vernis embaume l’encens et le fidèle qui baise l’icône respire une odeur de parfum spirituel. En résumé les matériaux qui font l’icône sont, les couleurs dont la plupart sont des terres, le jaune d’œuf avec le vinaigre, l’eau, la résine des pins, la planche parfumée, le mastic (de Chios), le miel, la gomme de l’amandier. On voit bien que cet art béni n’utilise pas de matériaux épais et grossier comme la peinture du monde qui se sert d’une huile de lin malodorante, des couleurs épaisses et des brosses aux poils grossiers.
Pour ce qui est du vocabulaire de l’art hagiographique ; lorsqu’on lit un livre qui traite de cette technique, on croirait lire quelque synaxaire ou autre livre de piété
En parlant de sujets techniques, les hagiographes utilisent souvent des mots religieux ou théologiques comme dans les exemples suivants : « écriture des traits vifs », non seulement en blanc mais avec un peu d’ocre pour qu’ils soient « modestes et pénitents », ou bien les teintes ont ainsi beaucoup de « tendresse et de piété » par exemple.
La beauté pour la peinture religieuse est spirituelle et non charnelle. L’hagiographie est un art de jeûne et de frugalité, exprimant par la pauvreté, la richesse ; et comme il y a l’Evangile et l’Ancien Testament, sommaires et au discours concis, de même l’hagiographie orthodoxe est simple, sans ornement inutile et sans vaine ostentation.
Les anciens et fameux hagiographes jeûnaient en travaillant et lorsqu’ils commençaient une icône changeaient de sous-vêtements pour être purs à l’extérieur comme à l’intérieur, et, en travaillant, ils chantaient et priaient pour que leur œuvre soit faite avec piété et que leur esprit ne soit pas distrait par les choses de ce monde.
C’est pourquoi les icônes liturgiques et pieuses par excellence paraissent souvent difformes à ceux qui ont l’esprit de ce monde et que les images n’ont, selon eux « ni forme ni beauté » tant il est vrai que « le désir de la chair hait Dieu » (Rom.8-7). « Car la chair désire contre l’esprit et l’Esprit contre la chair » (Gal.5-17).Dans ces icônes vénérables « la chair est crucifiée avec ses épreuves et ses désirs. Leur beauté spirituelle est « la belle différence » dont parlait Saint Syméon le Nouveau Théologien lorsqu’il regardait vers les visages émaciés de ses enfants spirituels, pendant le jeûne du Grand Carême.
La Porte Mystique, celle qui regarde vers l’Orient est et sera fermée à tous ceux qui agissent avec la connaissance charnelle, qui naturalise, c’est à dire rend l’homme orgueilleux, selon l’apôtre Paul. Tandis que les yeux du Seigneur sur les humbles, les rempliront de sa joie.
Autant de dévotion, d’humilité et de foi avaient les hagiographes des vénérables et saintes icônes autant devons-nous avoir à notre tour dévotion, humilité et foi en nous portant devant elles, pour être trouvés dignes de la grâce mystique qu’elles répandent, selon ces paroles de Saint Grégoire le Thaumaturge : « De cette force, il est donné aux prophètes et à ceux qui écoutent les prophètes, mais à celui qui n’a pas écouté les prophètes, que l’Esprit qui a prophétisé ne lui donne pas ne lui donne pas de comprendre Sa parole ».

PHOTIS KONTOGLOU

 

En premier lieu nous remercions le Seigneur qui nous a permis de porter à son terme cet ouvrage
Secondement, nous remercions nos bien-aimés éditeurs qui avec leur zèle pieux et leur encouragement persévérant ont écrit et imprimé la présente œuvre. Il convient particulièrement que nous mentionnions le cher Rallis Kopsidis qui, avec dévouement et désintéressement, a travaillé artistiquement aux nombreux dessins qui ornent ce livre. Ainsi que tous les élèves et collaborateurs qui ont travaillé avec moi aux travaux de l’iconographie réalisés par mon atelier. Enfin, nous devons des remerciements à Photis Zacharion, qui s’est montré prompt à fournir ce qu’on lui demandait pour compléter la série des icônes qui ornent le tome II ; de même au théologien et amoureux de notre tradition Pandeleimon B Paskos,qui s’est occupé des tables, à la fin du présent tome et aussi des répertoires, ainsi qu’à tous ceux qui de quelque manière que ce soit, ont contribué à ce que voit le jour ce pieux ouvrage.
P.K.

L’EXPLICATION DE L'ART DE LA PEINTURE.
Livre écrit par Denys de Fournas des Agraphas.

De toute antiquité il a existé des livres techniques pour l’art de la peinture afin que les peintres les lisent et reçoivent des conseils lorsque, par hasard ils avaient des doutes. Ces livres ont été écrits par quelques artistes qui avaient l’expérience de leur art et avec ce qu’ils savaient par eux-mêmes et aussi ce qu’ils avaient appris de plus anciens
Parmi ces livres, traitant de l’art hagiographique il y a celui de Denys, saint moine et peintre de Fournas des Agraphas, intitulé : «  Explication de l’art de la Peinture »
Ce Père Denys a travaillé à l’art de la peinture dans les années mil sept cent et ensuite a vécu, moine sur la Sainte Montagne, recueillant sur d’anciens manuscrits tout ce qu’ils rapportaient au sujet des techniques et autres ; ayant ajouté à tout cela ses propres observations, il en a fait un livre à l’usage des hagiographes. Il y a malheureusement dans son livre beaucoup de choses inutiles et les modèles qu’il décrit, à cause de son époque où l’art byzantin était altéré par la peinture occidentale, ne sont pas toujours orthodoxes.
Le livre de Denys est divisé en deux parties, la première est technique et la seconde iconographique, c’est à dire qu’elle explique la disposition des icônes dans l’église et décrit les modèles de chaque saint et de chaque scène.
Denys, probablement, était autodidacte, et ce qu’il savait, c’était par l’étude de ces quelques anciens manuscrits et en étudiant d’anciennes histoires, particulièrement celles du célèbre Pansélinos qui a peint les fresques du Protatos à la Sainte Montagne. Denys y avait aussi sa cellule qui a été conservée jusqu’à aujourd’hui, ainsi que le Sanctuaire de Saint Jean le Précurseur, peints de sa main. Il formait aussi des élèves parmi lesquels les meilleurs furent Cyrille de Chios et Agapios.
Son livre avec toutes les lacunes et les erreurs qu’il contient, est le meilleur guide pour l’hagiographe, écrit avec science et piété, et dans une langue émouvante, particulièrement les préambules et tout ce qu’il a écrit sur Pansélinos. Il manque cependant trop de clarté sur certains points pour qu’on puisse bien comprendre ce qu’il convient de faire. Il omet souvent de parler de certaines choses qu’il est injuste de passer sous silence ; par exemple on ne trouve pas un mot dans son livre à propos du mélange des couleurs avec l’œuf. De même au sujet de la peinture murale à la fresque certaines indications sont obscures, et pour cette raison il est difficile au lecteur de son livre de mener à bonne fin son ouvrage.
Dans la partie technique tous les passages qui traitent de la peinture à l’huile de lin sur toile sont, bien sûr, inutiles.parce qu’une telle peinture est importée de l’étranger, que cet art ne concorde pas avec l’esprit et le style de l’hagiographie selon la Tradition. De même n’est pas bon tout ce qu’il dit de certains vernis appropriés à la peinture à l’huile et non à la tempéra. A côté de cela il recommande de ne pas poser d’empâtements sur un mur «  à la différence des icônes sur bois ».Or, il ne convient pas à l’art rigoureux de l’hagiographie de faire des reliefs, par exemple des couronnes proéminentes, à l’aide de plâtre, comme il est mentionné dans « L’Explication ». Il existe seulement quelques icônes portatives anciennes ayant de telles auréoles, mais elles sont faites avec art et délicatesse et sont très peu nombreuses ;
Pour ce qui est des modèles des différents sujets de l’Ancien Testament et de l’Évangile, il y a dans le livre de Denys, certaines indications qui ne sont pas justes car elles sont tirées d’icônes occidentales ou ont été inventées postérieurement , par exemple, la chute de l’Etoile du Matin, Daniel sauvant Suzanne, comment illustrer les douze articles de la Foi, comment illustrer notre Pater, etc. Dans les sujets de l’Évangile, certaines choses sont erronées par exemple dans la Nativité, les anges sont peints dans les nuées portant des banderoles avec les mots «  Gloire à Dieu au plus haut des cieux » ;les visages qui sont représentés dans l’adoration des Mages ont des traits déraisonnablement hors du commun, et certains autres qui sont tirés d’icônes italianisantes. De même le Massacre des Innocents qui est décrit dans ce livre est illustré d’après des peintures italiennes. Ou bien dans le Baptême du Christ, il rapporte qu’il est écrit dans le rayon : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis mes complaisances ». Le Christ marchant sur la mer est un sujet occidental, avec tout ce qu’apporte un bon hagiographe pour l’illustrer de la manière sévère .La Crucifixion a remplacé l’Élévation sur la Croix . Le Christ en Croix n’est pas illustré dans le livre de Denys selon le modèle de la tradition sévère, mais d’après quelque image occidentale dans laquelle son peins de nombreux visages « soldats et foule nombreuse, les uns parlant et le désignant, d’autres le regardant bouche bée, d’autres se moquant ». L’icône du Christ en Croix selon le modèle Orthodoxe, sévère, a un petit nombre de personnages, avec une simplicité imposante, comme elle est illustrée dans le présent livre. La Résurrection du Christ est également mal illustrée dans «  l’Explication », avec le Christ qui porte une bannière rouge comme dans les peintures italiennes. Egalement mal décrite est la Pentecôte avec le Saint Esprit représenté sous la forme d’une colombe, alors que c’est seulement dans le Baptême du Christ qu’il est apparu ainsi. Le Saint Esprit est apparu sous trois formes 1°) comme une colombe au Baptême du Christ. 2°) comme une nuée lumineuse à la Transfiguration. 3°)comme des langues de feu à la Pentecôte.
Enfin, les sujets de l’Apocalypse décrits dans le livre du vénérable moine Denys, ont été peints par certains de nos propres hagiographes dans les époques suivantes en imitant des icônes italiennes et germaniques qui étaient venues de l’occident en orient.


LIVRE PREMIER

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TECHNIQUE

SUR LA CONFECTION TECHNIQUE DES ICÔNES SUR BOIS.

 

COMMENT PREPARER LE DESSIN

Lorsqu’il s’agit de commencer une icône, fais bien d’abord ta prière au Seigneur pour qu’il t’éclaire dans ton travail et fais le signe de la Croix. Mesure à plusieurs reprises et avec grand soin les dimensions de l’icône que tu veux faire afin qu’il n’y ait aucune erreur irréparable. Découpe ensuite une feuille de papier et trace l’axe médian au milieu. Prends ensuite les mesures pour placer la tête du Saint que tu veux peindre sur cet axe de façon que l’auréole soit divisée par l’axe en deux parties égales. Ensuite commence à dessiner, d’abord légèrement, avec un morceau de charbon, et trace les lignes générales. Continue en perfectionnant ton dessin le plus que tu peux. Efface alors le charbon en ne laissant apparaître que juste un peu l’esquisse ; souffle, puis prends un crayon moyen, ni trop dur, ni trop tendre et commence à améliorer le dessin final avec beaucoup d’application, avec tous les détails, d’une manière fine, tenant de l’autre main de la mie de pain pour effacer et rectifier les erreurs éventuelles. Mais garde ton esprit en éveil pour ne pas appuyer ton crayon trop fortement, mais très délicatement jusqu’à ce que soit formé complètement le dessin de l’icône. Alors, quand tu constateras qu’il est sans erreur et que rien n’a été oublié, taille ton crayon très pointu, et dessine ainsi avec précision toute l’esquisse avec tous les détails de sorte que cette esquisse apparaisse comme un travail terminé auquel il ne manque que les couleurs.
S’il s’agit de peindre une scène avec de nombreux personnages, des édifices, des sites, et non un seul Saint, fais bien attention que l’axe ne divise pas l’icône en deux parties égales mais que les éléments qui la composent soient équilibrés harmonieusement.
En un mot, je te supplie de porter toujours une grande attention au dessin de chaque icône, chaque fois que tu peindras, et de ne jamais négliger de faire le dessin au brouillon, en aucun cas, car c’est la base et le fondement du bon travail. Autrement, tu te trouveras dans la nécessité de recommencer de nombreuses icônes qui malgré l’application avec laquelle tu les auras travaillées et mises artistiquement en couleurs, à la fin t’apparaîtront mauvaises parce que tu te seras trop hâté au début. Cela nous arrive souvent à nous autres artistes, quand nous sommes restés trop longtemps sans travailler et que nous négligeons la préparation de l’icône pour commencer une heure plus tôt la mise en couleurs, car le dessin est plus ennuyeux que l’application des couleurs, laquelle entraîne et récompense l’artiste. Sachant donc ces choses, ô mon cher élève, ne soit jamais pressé de prendre trop rapidement le pinceau, même si tu as peint d’innombrables fois l’icône que tu entreprends, même si tu la connais si bien que tu pourrais la faire pour ainsi dire les yeux fermés.
Après avoir mis au net le dessin, tu le retourne à l’envers et tu le barbouilles, soit avec du charbon écrasé et étalé avec un tissus doux, soit avec une poudre de Sienne ou d’ombre brûlée. Tu secoues alors le papier et tu le places sur la planche que tu as auparavant préparée comme nous l’écrivons ci-dessous, le côté barbouillé.appliqué sur la planche et l ’endroit du dessin à l’extérieur, évidemment. Pose alors les quatre coins du dessin exactement sur les quatre coins de la planche et fixe le. Puis commence à appuyer sur les lignes du dessin, soit avec un crayon très dur, soit avec une alêne de bois dur en faisant très attention de ne pas déchirer le papier , si tu ne veux pas endommager le dessin en écrivant avec le crayon. Là où tu appuies sur le dessin, soulève à chaque fois, un tout petit peu le bord du papier pour vérifier que tu n’as pas débordé quelque trait . Il n’est pas nécessaire d’appuyer tous les traits en détail, mais en revanche de montrer beaucoup de détails qui sont aussi à l’extérieur du dessin de l’icône, sur la planche. Tu donnes ainsi au dessin toute sa pureté et tu t’évites d’avoir à perforer tout le dessin avec une aiguille et de saupoudrer ensuite avec du charbon, pour que le dessin apparaisse sur la planche, comme faisaient les anciens.

COMMENT PREPARER LA PLANCHE DE L’ICÔNE.

Prends une bonne colle de ce que l’on appelle de la gélatine, et non de colle de poisson. Après l’avoir dissoute et éclaircie de telle façon qu’une de tes paumes colle avec l’autre, verse la dans un récipient. Dans le récipient rempli de cette colle verse alors du blanc de zinc et un peu de mastic. Après les avoir soigneusement mélangés, passe une couche claire sur la planche et laisse la sécher à l’ombre. Ensuite, passe encore une deuxième puis une troisième couches, toujours faibles et non épaisses, car cela serait au détriment de l’icône. Il faut passer ainsi plusieurs couches jusqu’à ce que la planche ne brille plus par dessous. Mais fais attention de répartir bien également le blanchissement et qu’il n’y ait pas un coup de pinceau épais et un autre clair. Ensuite, laisse la bien sécher, qu’elle ne soit pas du tout humide. Alors, frotte la légèrement avec du papier de verre très fin ou avec un os de seiche pour qu’elle devienne lisse comme du papier pour que tu puisses travailler dessus agréablement ; une telle ssur face sans aucune aspérité ou anomalie, est aussi indispensable pour que la dorure soit bonne et pure. La préparation de la planche peut aussi se faire avec une spatule, avec laquelle on étend le mastic. Alors, verse aussi dans la colle une goutte d’huile de lin purifiée au soleil, et c’est très bien ?

COMMENT PIQUETER ET EMPLIR LES PROPLASMES.

Après que tuas observé scrupuleuse ment toutes les étapes décrites ci-dessus, et que tu as reporté le dessin comme nous l’avons dit, tu essuies bien la planche pour ôter toute poussière et que le dessin soit bien net ; ensuite, tu prends une alêne d’acier bien fine et non émoussée (à défaut une aiguille à repriser) et avec cet instrument, tu graves soigneusement le dessin, de façon à guider par cette gravure la peinture de l’icône lorsque tu la recouvriras de couleurs. Autrement tu perdrais de vue le dessin. Ne grave pas trop profondément, mais suffisamment pour que le dessin apparaisse même dans les parties qui seraient recouvertes d’une couleur épaisse. Sont plus épaisses les couleurs qui contiennent du blanc. Pour distinguer la gravure, regarde l’icône obliquement dans la lumière. Ce travail est le piquage.
Il n’est pas besoin de piquer chaque ligne du dessin mais seulement les plus importantes et celles qui sont entre chaque partie qui a la même coloration, et pas forcément celles qui séparent deux plans de couleur différentes, ou par exemple la ligne qui entoure l’icône et sépare la partie colorée du ciel d’or. Il n’est pas nécessaire de piquer ces lignes, les limites des couleurs les divisent à elles seules.

COMMENT DORER UNE ICÔNE

Après avoir terminé le piquage, tu le prépares pour la dorure. Passe d’abord une couche de gomme laque sur toutes les parties à dorer c’est à dire le ciel ou fond, les ganses les étoles les lisières des vêtements et tout ce que tu veux dorer. Laisse la bien sécher. Ensuite ,après la gomme laque, enduit ces surfaces de mixion., en regardant obliquement dans la lumière si elle est bien égalisée et en tenant l’icône sur le dos. Tu la pose ainsi à plat, jusqu’à ce que ce soit le moment de poser l’or.
La dorure se fait après vingt quatre heures ou même davantage, après la pose de la mixion, selon les conditions atmosphériques : si c’est l’hiver ou l’été, si le temps est à la pluie ou même seulement si le vent est au sud, retarde pour attendre une circonstance favorable pour dorer. Mais s’il fait un temps sec, que le vent est au nord, alors accélère proportionnellement la dorure. Fais attention de ne jamais dorer par grand froid car la dorure serait gâchée.
Quand est venu le moment optimum, tu t’en rendras compte à ceci : quand tu passes ton doigt légèrement sur le bol, tu dois le sentir sec et poli et ton doigt ne doit pas coller dessus, le bruit du frottement doit être le même que si tu frottais ton doigt sur une vitre. S’il ne crisse pas ainsi mais colle encore un peu au doigt, alors ne dore pas, mais laisse se passer un bon moment jusqu’à ce que viennent les conditions convenables, et c’est en frottant que tu t’en rendras compte. La mixion peut être éclaircie avec du naphte si elle est trop épaisse.
La dorure se fait avec un outil appelé « coussin », et qui est en effet un tout petit coussin recouvert d’une peau duveteuse, protégé des courants d’air sur trois côtés par une membrane de parchemin, afin que la feuille d’or qu’étend l’artiste sur le coussin ne soit pas emportée par le vent. Prends soin de bien fermer portes et fenêtres et retient ton souffle pour ne pas voir s’envoler les morceaux de feuille d’or. Les feuilles d’or se trouvent dans un carnet, chacune entre deux feuilles de papier. Le doreur l’étend habilement sur le coussin, en soufflant prudemment d’en haut. Ensuite, avec un couteau spécial préalablement nettoyé à l’alcool, il coupe la feuille en morceaux, triangulaires, rectangulaires, suivant la forme qu’a chaque partie à dorer. Mais si l’icône est grande, il laisse les feuilles entières et commence par couvrir la plus grande surface, puis il remplit les parties qui restent avec des feuilles morcelées jusqu’à ce que tout soit recouvert.
On prend la feuille sur le cousin avec un pinceau large, souple et plat appelé palette, en le posant à plat sur la feuille après l’avoir passé dans les cheveux ou sur la joue (pour le graisser légèrement).
Quand la partie à dorer est entièrement couverte de feuilles d’or, nous laissons l’icône un peu de temps pour que l’or colle bien, ensuite avec un pinceau doux ou un morceau de coton nous caressons légèrement l’or pour ôter les petits débris en surplus et alors le fond apparaît net et uni comme une plaque d’or. Enfin, nous passons une couche épaisse de gomme laque et ainsi prend fin la dorure.
Tous les doreurs qui ont de l’expérience peuvent procéder différemment, mais toi, ô débutant, fais comme nous t’avons dit, pour apprendre chaque chose avec méthode et ordre, et ensuite, fais comme il te plaira.

COMMENT FAIRE LES PLUMES D’OR.

Les plumes d’or se font de deux manières. La première est pour dorer l’himation ou le trône que tu veux décorer et ensuite couvrir de la couleur du proplasme que tu désires. les plus usuelles sont la Sienne naturelle, la Sienne brûlée et le rouge anglais. Mais tu peux aussi mettre de l’indigo ou même du noir. Prends garde avant de passer la couleur sur l’or, de passer deux ou trois couches épaisses de gomme laque pour qu’il ne soit pas gratté, et laisse la sécher une journée. Après avoir passé la peinture, prends la pointe dont tu te sers pour piquer et gratte par petits morceaux là où tu veux qu’apparaisse l’or qui se trouve en dessous. Tu peux de cette manière faire non seulement des plumes d’or mais toute espèce de dessin que te veux.
Les plumes d’or se font mieux avec une feuille d’or découpée. Pour obtenir un tel or qui est travaillé avec le pinceau comme les couleurs, mets une feuille d’or dans une tasse avec de la gomme d’amandier épaisse et du miel et broie les bien avec ton doigt pendant longtemps. Lave ensuite ton doigt dans l’eau puis verse la dans la tasse jusqu’à la remplir et laisse le mélange reposer. Ensuite, verse le liquide avec précaution en filtrant l’or, tu remets de l’eau une deuxième et une troisième fois jusqu’à ce qu’elle soit bien purifiée. Ramasse alors dans un chivadan (un godet ?) et mets aussi un peu de gomme et c’est prêt. Note que pour détacher l’or, il faut que la feuille soit de bonne qualité, comme autrefois, car celles d’aujourd’hui ne conviennent pas.
Les plumes d’or se font aussi avec de l’ocre, sur un proplasme de terre de Sienne naturelle ou brûlée, de rouge anglais, d’ombre ou de noir.

A PROPOS DES PROPLASMES.

On appelle proplasmes les couleurs que passe le peintre sur l’icône qui, en premier lieu a été dorée, c’est à dire avant de commencer la peinture à proprement parler. Comme il a couvert le fond d’or, il couvre aussi les autres parties de l’icône de différentes teintes. Ces premières et simples couleurs qu’il pose, s’appellent proplasmes ou doublures, raison pour laquelle on dit proplasmer (modeler) ou doubler. Les proplasmes sont de nombreuses couleurs.Autre est le proplasme du visage et des autres parties nues, comme les mains et les pieds, ou parfois le corps tout entier, comme par exemple dans la Crucifixion, la Mise au Tombeau, etc... autre est le proplasme des différents vêtements, des constructions, des montagnes, des rochers, de la mer, des meubles, tables, chaises, en bref de tout objet qui sera représenter dans une icône.
La plupart des proplasmes sont préparés (composés) de deux trois parfois quatre couleurs mais il existe aussi des proplasmes faits d’une seule couleur. Dans différents objets, par exemple le proplasme est l’ocre pure ou la Sienne naturelle ou brûlée, sur laquelle nous écrivons avec des lignes plus sombres ou des plumes d’or plus claires, par exemple dans les étoles des Hiérarques, dans leurs « spigonatias » et leurs manipules, dans les ailes des anges, dans les trônes, tabourets, et tables, dais, bandes dorées des vêtements, dans les troncs des arbres.

LE PROPLASME DES VISAGES est de différentes sortes suivant la manière de faire des peintres. Sa composition la plus fréquente est un marron qui est obtenu avec de la Sienne naturelle, un peu de Sienne brûlée, un peu de noir et un peu d’ocre. Mais il se fait aussi avec de la simple Sienne naturelle. Ou verdâtre, celui ci est obtenu avec de la Sienne naturelle un peu de vert et un peu de blanc.
Le proplasme de chaque vêtement est obtenu à partir d’une couleur de base, mais à laquelle on mélange souvent d’autres couleurs pour qu’elle ne soit pas trop crue et voyante, mais de manière à l’adoucir et à la rendre plus pieuse et humble, comme , par exemple le maphorion de la Théotokos qui a pour proplasme de la Sienne brûlée, de l’ombre brûlée, un peu d’ombre naturelle, un peu de noir et un peu de blanc. Certains iconographes posent comme proplasme une simple Sienne brûlée et ils écrivent avec de l’ombre brûlée, mais cette couleur n’a pas tout le mystère et la modestie qui caractérisent l’iconographie byzantine inspirée.
Certes, le peintre peut faire aussi certains vêtements avec un proplasme d’une seule couleur non mélangée, par exemple avec de la Sienne pure naturelle ou brûlée, avec de l’ombre naturelle, avec du rouge anglais (bol), mais il faut savoir combiner ces choses convenablement, de sorte qu’elles s’harmonisent avec les autres teintes. C’est la pratique et l’expérience qui guideront le peintre dans tout cela. Ce que doit savoir celui qui étudie l’art de la peinture religieuse, c’est que le proplasme doit pouvoir recevoir à la fois une écriture plus foncée, et des éclaircissements (lammata) de plus en plus lumineux.
Il te faut préparer les proplasmes de l’icône toute entière soit dans de petites coupes soit dans des pots plus grands, selon sa dimension, afin de les conserver jusqu’au terme de la finition de l’icône, car tu pourrais avoir à réparer quelque partie qui pourrait avoir été salie par une autre couleur, ou grattée, ou encore à réparer une erreur dans le travail et il ne serait pas facile alors de retrouver exactement la même couleur ; il vaut donc toujours mieux en avoir trop que pas assez.
Donc, après avoir passé en deux couches tous les proplasmes qui couvriront la surface blanche de ton icône, la voici prête pur la peinture.
Fais à nouveau le signe de Croix et commence ton travail avec zèle et recueillement.

QUELS BOIS SONT BONS POUR PEINDRE UNE ICÔNE.

Il faut savoir que la longévité de la conservation de l’icône que tu vas peindre, dépend en premier lieu du bois sur lequel elle sera peinte, et en second lieu de tous les autres matériaux. Pour cette raison fais toujours attention, car sinon tu en pâtirais comme j’en ai pâti moi-même à mes débuts et d’autres avant moi.
Tout d’abord, ce bois doit être débité et très sec pour ne pas gauchir. Ensuite il ne doit pas être mangé des vers ni pourri.
Les bois les plus convenables sont le tilleul, le buis, l’aulne (?),le chêne. Le (karydia ?) n’est pas aussi bon car il est très dur et se fend avec le temps, et les vers le mangent. Le châtaignier ne convient pas lui non plus pour faire des icônes. Le pin pourrit avec le temps. Cependant on a vu assez souvent des icônes anciennes peintes sur du pin et conservées en bon état ainsi que des icônes en bois très dur de chêne vert...
Suit la façon de préparer deux planches de contre-plaqué réunies, encollées sur un châssis...
Remarque :quand tu peins sur une planche, il est bon de passer avant tout une ou deux couches de colle, puis une toile légère de lin ou de coton enduite de colle que tu tends de ton mieux (il est important de ne faire ni poches ni plis) et que tu laisses bien sécher avant de passer les couches de blanc.

DORURE DES POLISSEURS.

Pour faire une dorure polie comme la faisaient les anciens, il faut du bolus ; cela se présente comme une boule aplatie de Sienne brûlée. On en râpe un peu et on le mélange avec un peu d’ocre et de minium de plomb. Après avoir bien broyé le tout sur le marbre, tu en passes deux couches en tenant l’icône bien à plat sur le dos. Ensuite tu poses les feuilles d’or de façon qu’elles recouvrent toutes les parties couvertes de bol, et pour qu’aucune feuille ne se déplace, tu les tapotes légèrement avec l’aiguille à piquer. Tu prends un bon raki ou de l’esprit de vin que tu verse dans un récipient à bec pour qu’il s’écoule peu et très doucement, et avec ce vase, répands le liquide sur l’icône, à partir des bords. Et pour que tout le bol soit abreuvé relève la tantôt d’un côté tantôt de l’autre . Quand tout l’esprit de vin a été bu, la feuille d’or colle sur le bol et ne s’échappera pas. Ensuite, laisse bien sécher, puis polis la dorure avec l’agate qui est faite pour ce travail. Note bien que la dorure polie ne peut se faire avec la mixion, car pour être polie, il est nécessaire que la feuille soit collée sur une couche souple comme est l’ancien bol rouge afin que tu ne la fasses pas souffrir avec l’agate et que tu la polisses.

A PROPOS DES PLUMES, C’EST A DIRE DES PINCEAUX.

Les anciens appelaient plumes, les instruments pour peindre, c’est à dire les brosses et les pinceaux.
Les bons pinceaux sont faits de martre ou de zibeline, animaux vivant dans les régions nordiques. Il faut choisir des pinceaux ronds, dont les poils restent vigoureux même mouillés. Les pinceaux fins ne doivent pas avoir des poils clairsemés, mais être touffus pour retenir la couleur et se terminer par une pointe de deux ou trois poils qui prendront la couleur dans ceux, très nombreux qui forment la houppe.
Les mauvais pinceaux ont des poils mous qui s’ouvrent quand ils sont mouillés, au lieu de se rejoindre. Nous avons deux sortes de pinceaux : ceux dont nous nous servons pour les proplasmes et ceux que nous utilisons pour les écritures.

A PROPOS DES COULEURS OU TEINTES
AVEC LESQUELLES TRAVAILLENT LES HAGIOGRAPHES.

Les couleurs qui sont solides et résistent au temps et qui sont en outre les plus convenables pour peindre des icônes d’une couleur décente et rendre la mystique des Saints sont les suivantes :
1/ Le blanc : appelé «  lumière ». Les anciens avaient le blanc de céruse et l’appelaient lumière, ils n’avaient pas de blanc de zinc. Toutes les icônes anciennes sont peintes avec du blanc de céruse. Cette couleur est obtenue avec du plomb, c’est pourquoi elle est délétère. Les anciens la faisaient, seule de toutes les couleurs, en plaçant de très fins morceaux de plomb dans du vinaigre acide dans un grand pot épais et, après l’avoir bouché comme il faut, ils l’enterraient dans du fumier non décomposé, l’y laissant jusqu’à quinze jours. C’est ainsi qu’ils faisaient la « lumière » de l’icône ou blanc de céruse.
Le blanc de céruse est plus épais que le blanc de zinc et dans la peinture il se travaille mieux car il est plus couvrant et est en outre créatif mais c’est du poison comme nous l’avons dit, et ce qui est près de lui noircit avec le temps. Le blanc de zinc ne noircit pas aussi facilement, mais il n’est pas solide s’il n’est pas verni. Le meilleur des blancs aujourd’hui est le blanc de titane, épais comme le blanc de céruse, il a en outre l’avantage de ne pas noircir, se conserve sans s’altérer et il est très blanc, plus que les deux autres couleurs.
Les anciens avaient pour blanc une couleur blanche approchante, la craie, appelée « milione» car elle venait de l’île de Milos . J’ai essayé de peindre avec cette couleur, mais ce fut impossible : comme c’est une poudre, lorsque tu la mélanges avec de l’œuf, de la cire ou de la colle, elle prend comme le gypse ou le mortier et l’on ne peut peindre avec cela. Enfin je ne sais pas comment les anciens utilisaient cette milione, sauf s’ils l’employaient avec une colle très liquide, et au lieu de la foncer, l’éclaircissaient immédiatement sans la vernir.
Le blanc est la base de toutes les couleurs, car pour donner tous les degrés de l’échelle d’une couleur, du plus foncé au plus clair, elle est mélangée avec du blanc. C’est pourquoi le peintre doit porter une grande attention au blanc dont il se sert. A ma connaissance, par l’expérience que j’ai acquise, la couleur blanche la meilleure et la plus solide est le titane. Si tu veux, mélange le avec un peu de blanc de zinc pour en atténuer l’éclat.
2/ Le noir provient de certains os. Le meilleur es le noir d’ivoire. Tu peux utiliser aussi la légère fumée du bois résineux.
3/ l’ocre est une terre, d’une couleur jaune dorée, qui provient de la rouille du fer. Couleur inaltérable et solide. Il en existe de nombreuses sortes, allant du clair au foncé. Les anciens utilisaient une ocre qu’ils appelaient « politiki » qui était rougeâtre, une autre appelée « thasitiki » et une autre appelée « vénétiki » qui tendait vers le verdâtre ou le citron.
4/ La Sienne naturelle est une couleur beige foncé comme la couleur du bois que les anciens appelaient ombre foncée ; c’est aussi une couleur naturelle qui vient de la terre et qui est inaltérable.
5/ La Sienne brûlée ou fondue, couleur de tuile, solide, terreuse comme l’ombre. Les anciens l’appelaient bol ou piquante ou moutarde.
6/ L’ombre naturelle est une couleur comme une terre qui tend tantôt vers le café, tantôt vers le ver cendré. L’ombre vert cendré est très bonne pour faire un proplasme de visage. Et elle vient de la terre.
7/ L’ombre brûlée est une couleur rouge noir , ou café foncé, solide et terreuse. Mélangée avec un peu de blanc, elle donne une très belle couleur iodée, (violet)
8/ Le rouge anglais est aussi une terre et n’est pas très rouge comme la cinabre et d’autres couleurs chimiques, mais très doux et solide. Les anciens l’appelaient bol clair.
9/ L’azur ou indigo était une couleur bleu foncé qui était importée de l’Inde, couleur végétale et non pas minérale, donc pas solide. Nous avons aujourd’hui l’outremer qui est solide utilisé aussi dans la fresque.
10/ Le cobalt est une belle couleur bleu de mer, également utilisé dans la fresque.
11/ Le vert de cuivre est une couleur solide : les anciens l’appelaient vardaramon ou tsikiari.
12/ La laque est une couleur cerise foncée. Elle n’est pas très robuste, et pour qu’elle ne s’écaille pas rapidement, on la travaille avec de l’étamure. Pour ce qui est de l’étamure vois ce qui suit 
13/ Le cinabre est une couleur rouge vif qui tire un peu sur le jaune, semblable à la fleur du grenadier. Il provient du mercure. C’est avec cette couleur que les anciens écrivaient les lettres rouges sir les manuscrits. Les empereurs signaient leurs décrets avec le cinabre.
Voilà toutes les couleurs que doit utiliser l’hagiographe dans son travail, les autre ne sont pas utilisées du tout car elles sont fragiles et ne sont pas vénérables.
Sache bien que tu peux te limiter aussi aux seules choses que nous avons décrites ci avant ; car c’est assez de faire son œuvre sans jamais lui faire défaut, comme nous l’avons faite nous aussi. Non, une variété excessive de couleurs n’est pas bonne pour notre art d’Eglise, qui est sévère et se délecte d’une coloration modeste.
Mais ces couleurs principales, par leur mélange entre elles produiront une foule d’autres couleurs secondaires. Fais attention de ne jamais poser comme proplasme une couleur principale trop voyante sauf de l’ocre pour les auréoles des Saints, de la Sienne naturelle ou brûlée pour les plumes d’or, comme par exemple les ailes, les chaises, les tabourets les reliures des Evangiles, de l’ombre naturelle pour les vêtements et le noir pour les fonds obscurs des portes fenêtres et grottes.

COULEURS QUI SE FONT EN MELANGEANT LES COULEURS DE BASE.

LE BLANC, mélangé au noir donne une couleur cendre, grise, qui tend beaucoup vers le bleu. Plus on met de bleu plus cela bleuit. Le blanc avec l’ombre naturelle fait une couleur cendre chaude et douce. Le blanc avec du rouge anglais, fait une couleur rose. Pour l’adoucir mets y un peu d’ombre naturelle, cela l’embellira. Mélangé avec de l’ombre brûlée cela fait un ton violet très beau.
Quelque soit la couleur où tu ajoutes de l’ombre naturelle, cette couleur prend de la douceur. Les rougeâtres sont plus humbles, les jaunes et les verts sont plus passés, les bleus perdent leur amertume.
Si tu veux faire un vert humble et pénitentiel, ajoutes y du noir, de l’ocre dorée et un peu de blanc. Mélange du noir, de l’ombre naturelle et un peu de blanc et tu auras une couleur très douce. Mélange du noir, un peu d’ombre naturelle, un peu de bleu et un peu de vert et tu obtiendras une couleur pénitentielle pour le ciel. Mélanges de l’ocre avec du blanc et un peu d’ombre naturelle et tu auras une couleur mystique pour les auréoles ou pour les vêtements sacerdotaux brodés. Mets du noir, de la Sienne brûlée et du blanc et tu auras une belle couleur pour le maphorion de la Panaghia. mets du rouge anglais, de l’ombre naturelle, du blanc et un peu d’ocre, cela donne une couleur cannelle très douce. Mélange du blanc, de l’ombre naturelle et un peu d’ocre, cela fait la couleur du vieux papier ou du parchemin très vénérable et religieux. Mélange du vert, du noir, du blanc et de la Sienne naturelle et cela donne une belle couleur pour un proplasme. Le sol sur lequel les Saints posent leurs pieds sera bien si tu mets du vert, de l’ombre naturelle, un peu de noir, un peu d’ocre et une pointe de blanc. Tu peux aussi le faire avec du vert, du noir et de l’ocre ou encore, du vert de la Sienne naturelle et du blanc.
Les rouges se font bien et tendrement avec du rouge anglais, de l’ombre naturelle, de l’ocre et un peu de blanc. Ou encore de la Sienne brûlée, de l’ocre et du blanc. Ou du rouge anglais de la Sienne naturelle et du blanc. Une couleur mystique est aussi celle qui s’obtient avec de la Sienne naturelle, d’un peu d’ocre et de blanc ; ou bien de Sienne naturelle, un peu de vert et de blanc. Pour une couleur sévère, mélange de l’ombre brûlée, de la Sienne naturelle et du blanc. Prends du bleu outremer, avec du rouge anglais et un peu de blanc, et cela donne une couleur très insolite. Prends de l’ocre en même temps que de la Sienne brûlée et du blanc, tu auras une couleur très douce. Et une foule d’autres teintes s’obtiennent selon la capacité du peintre. Mais il faut éviter les couleurs trop diverses et multiples et affectionne celles qui sont simples et humbles et qui semblent passées par le temps.

DENOMINATION DES COULEURS PAR DES MOYENS NATURELS
SYMBOLISME DES COULEURS

Les noms les plus réussis et les plus précis pour les teintes sont ceux que donnent les teinturiers et tisserands, hommes et femmes simples, par exemple : citron, orange, violette, aubergine, rose, sucre, miel, huile, vinaigre, cendre, poudre, plomb, mer, soufre, bois, os, cerise, grenade, chou, noix.
Les couleurs ont une signification symbolique dans cet art théologique de l’hagiographie.
Le blanc est symbole de la lumière et de la pureté. Le noir de la profondeur mystique. Le bleu, de la fraîcheur et de la limpidité. Le vert de l’espoir et du repos. Le jaune, de la gloire et de la magnificence divines. Le violet de l’ignorance. Le rouge symbolise l’ardeur et la chaleur de la nature mystique. Le bleu clair, les éclats de la lumière du ciel.
Saint Denys l’Aréopagite dit que «  le blanc montre la splendeur divine, et il est même pour ainsi dire apparenté à la lumière divine. Le bleu foncé, le secret ; le rouge l’ardeur et l’énergie »

 

AVEC QUELLES SUBSTANCES COLLANTES, DELAYER LES COULEURS DE L'ICÔNE.

L’ŒUF.

Les couleurs que nous utilisons pour peindre sont des poudres. C’est ainsi que nous les achetons au magasin. Mais comme elles sont souvent grossières nous les broyons de nouveau dans un mortier ou sur un marbre, avec un pilon large appelé « trividi ». Si tu veux qu’elles soient encore plus fines,, passe les aussi dans un léger tulle pour les alléger .
Le produit collant avec lequel nous mélangeons ces poudres est l’œuf. Tu prends un œuf (ou plusieurs), tu le casses et tu verses le jaune dans ta paume, puis tu le laves bien avec de l’eau jusqu’à ce qu’il soit parfaitement nettoyé de tout ce qui l’entoure. Ensuite, tu prends le jaune en le saisissant par la peau entre tes deux ongles et tu le secoues au-dessus d’une tasse pour que, la peau ayant éclaté, le jaune pur coule dans la tasse. Il faut aussi retenir avec les ongles le germe qui colle à la peau et le rejeter avec la peau.
Ensuite, tu remues bien le jaune avec une fourchette ou un petit bâton, tout en versant dans le récipient le même volume de vinaigre de vin qu’il y a de jaune d’œuf. Avec ce mélange, tu délayes chaque couleur séparément, et c’est prêt pour la peinture. Mais sache que les différentes couleurs demandent un liant plus ou moins épais. Quant à toi fais le épais pour toutes, afin qu’elles ne manquent pas de solidité.
L’œuf vigoureux, selon ma propre expérience, est le meilleur car il rend les couleurs plus éclatantes et solides, et lorsque l’icône est vernie, elle ne s’assombrit pas comme elle le fait quand l’œuf manque de vigueur.
Les meilleures icônes anciennes sont peintes avec un œuf vigoureux qui devient comme de l’émail. Prends garde cependant de ne pas exagérer, de crainte que les couleurs ne se crevassent : agis avec discernement.
Certains hagiographes travaillent avec de l’œuf délayé à l’eau. D’autres lient même les couleurs à l’eau pure et les versent dans des tasses ; ils ont l’œuf préparé dans un autre récipient et quand ils travaillent ils mélangent au fur et à mesure de la couleur qu’ils prennent avec le pinceau avec de l’œuf. L’inconvénient de cette méthode est que les teintes de l’icône diffèrent lorsqu’elles sèchent, c’est à dire deviennent plus claires, et lorsque l’icône est vernie, elles foncent et deviennent comme huilées, ce qui donne à l’icône un aspect différent. Tandis que lorsque l’on peint avec de l’œuf épais, on peint avec assurance et naturel, sachant que les teintes ne bougeront pas et resteront telles qu’on les pose ; de plus la couleur se modèle aisément, se transformant en une substance épaisse et dure comme de l’émail, ce qui est le cas dans les belles icônes anciennes. Autre avantage, la peinture est plus solide et quand l’icône est vernie elle ne change pas d’aspect, restant dans le même ton et sans s’assombrir. Pour tester de temps en temps la couleur mélangée à l’œuf que tu utilises, si tu étends un proplasme, laisses en un peu sécher, puis mouille légèrement ton doigt avec de l’eau et passe le sur la couleur. S’il y a assez d’œuf, rien ne marquera sur le doigt mouillé, mais plutôt blanchira un peu... ? Alors que s’il y a peu d’œuf, la couleur va foncer du fait de l’humidité, là où tu auras appuyé ton doigt, montrant l’altération de la couleur telle qu’elle sera quand l’icône sera vernie. Si tu veux être tranquille, fais donc ce test et tu sauras si ta couleur contient assez d’œuf.
L’œuf est le meilleur liant, la matière collante la plus parfaite pour la mise en couleurs. Il donne aux couleurs éclat et brillant, fait une teinte pure et fine, sèche rapidement et est aussi très solide, on peut même dire éternel, s’il est travaillé avec science et si le support n’est pas détérioré.
Tu peux si tu veux, employer non seulement le jaune, mais aussi le blanc mélangé au jaune. Mais fais attention que les couleurs ne fendillent, car le blanc se dessèche brusquement et il y a des fibres qui ne se dissolvent pas et empêchent de peindre en collant sur les pinceaux. Pour éviter cet inconvénient, agis ainsi : coupe une feuille tendre de figuier, mets la dans le blanc d’œuf et remue le alors, les fibres sont diluées et c’est bon. En hiver coupe la branche du figuier en petits morceaux, mets les dans le récipient plein d’œuf et laisse les un certain temps, il se produira à peu près le même résultat.
SI tu veux rendre ton travail plus abondant dans la peinture et d’une manière plus grossière, tu peux faire couler avec discernement dans le jaune d’œuf quelques gouttes d’huile de lin pure, appelée « huile du soleil » car on la purifie au soleil. Ce procédé est très bon car les couleurs deviennent plus lumineuses et il n’est pas nécessaire de les vernir.
Sache qu’avec le temps les couleurs à l’œuf ne se dissolvent pas dans l’eau, même sans être vernies ; l’œuf, à la longue se solidifie et il n’est même pas besoin de le vernir.

LA CIRE

Un autre liant pour les couleurs est la cire des abeilles. C’est avec celle-ci que les anciens mélangeaient les poudres de couleur et ils peignaient avec ce système qu’ils appelaient encaustique car ils délayaient les couleurs sur le feu et les repassaient d’en haut, avec une petite truelle chauffée au feu appelée « kestron ».Avec cette méthode laborieuse, ils peignaient de petites icônes, des visages surtout, et beaucoup de ces travaux ont subsister jusqu’à nos jours en bon état, comme dans les tombes égyptiennes. Il existe un petit nombre d’icônes vénérables de Saints faites à l’encaustique parmi les plus anciennes et elles se trouvent particulièrement au monastère du Mont Sinaï, et quelques unes ailleurs. Saint Jean Chrysostome appelle «  dessin coulé à la cire » une icône travaillée à l’encaustique.
Les anciens faisaient fondre la cire sur le feu ; ils ne pouvaient faire autrement car ils n’avaient pas à cette époque l’essence de térébenthine, c’est à dire le naphte que nous utilisons aujourd’hui pour dissoudre la cire, en la râpant en fines lamelles et en la mettant dans une bouteille avec du naphte.Pur faire ce mélange, verse une mesure de cire râpée et dix fois plus de naphte, c’est une bonne proportion. Mais tu peux faire ce mélange plus ou moins épais ou clair selon ton désir. Verse aussi un peu d’ « huile de lin du soleil », mélange bien et prépare tes couleurs avec cela en place d’œuf et peins.
Avec cette méthode de la cire, tu peux travailler sur la planche, sur la toile et surtout sur le mur lorsque l’église est plâtrée, quand par hasard il n’y a pas de fresque c’est à dire de peinture à l’enduit ; mais fais attention de ne pas passer par dessus l’icône peinte à la cire trop d’huile car elle noircirait.

LA COLLE.

Tu peux aussi mélanger tes pigments avec beaucoup de liants variés autres que l’œuf. Il existe des colles d’origine animale et d’autres d’origine végétale. Les premières sont les plus fortes et ce sont : l’œuf, la colle de poisson, le lait ou la caséine qui vient du lait. Les secondes sont plus légères, moins puissantes et ce sont : la gomme arabique, appelée « commidi », la colle de son et la colle d’ail, qui est utilisée pour les plumes d’or. Les anciens Egyptiens peignaient avec une colle de canne à sucre et leurs travaux subsistent encore aujourd’hui en bon état après des milliers d’années. Quelles qu’elles soient, les peintures à l’eau sont les plus belles et les plus solides pour le peintre de fresques. Car les couleurs à la cire deviennent grises à la plus petite humidité ;
ATTENTION. Lorsque tu veux travailler à la colle, il faut que le mur, ou le tissus, ou la planche sur laquelle tu vas peindre, soit préparée de telle manière qu’elle n’absorbe pas la couleur, mais qu’il soit plus riche en colle que la couche de couleur elle-même (liée à la colle), car si les couleurs sont plus riches que la couche du dessous, elles la décollent et la mettent en morceaux, et alors le travail est détruit d’une manière irréparable.

COMMENT LES ANCIENS ARTISTES
FAISAIENT LES DIFFERENTES COULEURS.

Les anciens artistes préparaient eux-mêmes leurs couleurs. Nous avons déjà décrit la manière dont ils faisaient la «  lumière » appelée aujourd’hui céruse.
L’outremer, c’est-à-dire la couleur bleue, ils la faisaient en mettant dans une grande marmite à col étroit, de la chaux éteinte et du vinaigre fort, puis ils les faisaient bouillir sur le feu et enfouissaient ensuite la marmite dans du fumier chaud et l’y laissaient jusqu’à trente jours. C’est ainsi que l’on faisaient l’outremer.
La laque était faite en mettant du « krimèzi » avec de l’alcool et en les faisant bouillir jusqu’à ce que le « krimèzi » soit purifié. Alors, ils mettaient encore du raki et un autre alcool et les faisaient encore bouillir jusqu’à ce qu’apparaisse dans le fond quelques grains rouges : c’était la laque.
Et voici maintenant comment se faisaient quelques couleurs comme nous les avons trouvées décrites dans de vieux manuscrits.

Comment faire le « vardaramon », c’est à dire le « tsikiari »

Verse du yaourt dans un récipient de cuivre non étamé, pour qu’il prenne le vert de gris, (l’oxydation), qu’il verdisse. Laisse passer quelques jours jusqu’à ce que toute l’eau s’en aille , tout en le remuant deux fois par jour avec une baguette ; lorsque tu vois qu’il a bien verdi, tu le vides du chaudron et tu le fais sécher à l’ombre.

DE LA FABRICATION DU CINABRE.

Prends du mercure, cent dragmes (320 grammes) et du soufre 25 dragmes (80 grammes) et de la poudre de plomb 8 dragmes, (25 grs). Ecrase la poudre de plomb et le soufre séparé ment sur un marbre, aussi fin que poussière. Verse ensuite le mercure peu à peu et remue le tout jus qu’à ce que le mélange soit parfait ; broies encore un certain temps sur le marbre et mets le dans un récipient de verre. Tiens sur le feu une marmite contenant du sable de mer et mets dedans le récipient de verre avec son contenu. Laisse le sur le feu pendant quatre heures. Ensuite, enlève le verre, casse le, ôte adroitement ce qui est à l’intérieur, et broies le un peu sur le marbre. Mets le dans un nouveau récipient de verre que tu remets dans la marmite où tu as conservé le sable chaud mais cette fois à feu plus vif et laisse le encore quatre heures. Puis, lu l’enlèves, tu casses de nouveau le récipient, tu récupères encore adroitement, tu broies encore une fois, tu le remets dans un autre verre que tu places dans la marmite de nouveau sur le feu, mais cette fois il faut que le sable le recouvre complète ment pour que la couleur soit élevée plus haut et laisse de nouveau sur le feu quatre heures pour la dernière fois. Alors, tu l’enlèves et c’est terminé.

POUR L’ENCRE ROUGE.

Si tu veux faire des lettres rouges, verse du cinabre sur le marbre et broies-le bien, puis mets le dans un encrier, mets y aussi de la gomme composée avec discernement, et mets y aussi un peu de sucre pour écrire d’une manière plus belle.

COMMENT FAIRE LE PROPLASME DE LA CHAIR .

Lorsque tu veux faire un proplasme pour le visage, les mains et les pieds mets de la Sienne brûlée, un peu de noir et un peu de blanc, et broie les ensemble. Ou bien, verse de la Sienne brûlée, un peu de vert, un peu d’ombre naturelle et un peu de blanc. Ou encore, de l’ombre naturelle, un peu d’ocre et un peu de blanc.
Ou, de l’ombre naturelle et un peu de rouge anglais, un peu d’ocre et un peu de blanTu peux même pour le proplasme de la chair, mettre seulement de la Sienne naturelle, ou seulement de l’ombre naturelle, ou encore les deux mélangés.

A PROPOS DES CARNATIONS. COMMENT LES FAIRE.

On appelle carnations, dans le langage des hagiographes, la couleur plus claire que nous posons sur le proplasme des parties nues et qui révèle les parties qui ressortent et sont plus éclairées.
Pour les carnations, prends un soupçon de blanc et d’ocre et un peu de rouge anglais, avec discernement pour que cela ne soit pas trop jaune. Ou bien, prends seulement de l’ocre et du blanc, et passe les éclaircissements ; et sur les joues, sur les oreilles et sur l’arête du nez, rosit la chair avec un peu de rouge anglais. Sur les parties proéminentes, les anciens utilisaient du cinabre, quant à moi, je préfère le rouge anglais plus solide et plus modeste.

COMMENT PEINDRE LE VISAGE.

Lorsque tu as passé le proplasme, avec un pinceau plutôt gros, et que tu l’as laissé sécher, tu prends un peu de proplasme, un peu de Sienne brûlée et un peu de rouge anglais, et tu dessines avec un pinceau fin, délicatement et avec beaucoup d’eau le schéma du visage : yeux, (c’est à dire, arcade sourcilière, paupière, pupille), nez (seulement du côté où le visage est à l’ombre), bouche, oreilles et le pourtour du visage, du cou et des cheveux . Ces écritures sont appelées éclaircissements dans le langage des hagiographes. Tu prépares ensuite une carnation suffisante, au début plus foncée, c’est à dire avec davantage d’ocre et moins de blanc, et tu peins avec un pinceau assez touffu, les carnations des grandes parcelles du visage : le front, les joues, le nez, le cou, en allégeant et en estompant la matière sur les bords, dans les parties où il faut qu’elle soit estompée et fondue insensiblement avec le proplasme. De même sur la partie plate de la face, là où la joue rejoint le nez, seulement du côté d’où vient la lumière, tandis que de l’autre on coupe brusquement, comme aussi dans le cou, les arrondissements des joues, de la mâchoire et du cou. Ensuite tu prends un pinceau très fin et avec celui-ci, tu peins avec la même carnation, les parties plus petites, c’est à dire la bouche et le menton. Lorsque tu peins légèrement les paupières et la narine éclairée, tu prends séparément de la carnation identique et tu ajoutes un peu de rouge anglais, tu les écris avec ce mélange, et tu écris aussi un peu sous l’arcade sourcilière de l’œil éclairé.
Dans les parties où la carnation s’estompe et se mélange doucement et insensiblement au proplasme, prends garde de bien égaliser la couleur et de ne pas interrompre brutalement la douceur de cette transition, par une carnation trop tranchée, en passant cette partie-là à l’eau claire, de sorte qu’il se fasse une union. Cela peut se faire aussi, si tu préfères d’une autre manière : tu prends à part un peu de proplasme et tu le mélanges avec un peu de carnation en faisant attention qu’il y ait plus de carnation que de proplasme, et t fais une couleur intermédiaire que tu passes avec précaution sur la partie où la carnation rejoint le proplasme, afin de les réunir. Cette couleur est appelée « glykasmos » car elle adoucit la jonction.
Après donc que tu as modelé le visage avec la première teinte de carnation, mets dans la carnation que tu as préparée davantage de blanc non brutalement, mais avec discernement, et avec un pinceau très fin, renforce les parties de la carnation qui sont en saillie et sépares les rides du visage, sur le front au dessus des sourcils et sur les joues si le visage est âgé, au bord de la bouche et sur le cou, là où il rejoint la limite de la poitrine. Après cela tu ajoutes encore un peu de blanc à la carnation, et tu fais ressortir encore davantage les parties qui sont les plus renflées comme par exemple, le dessin des sourcils, les pommettes près de la limite de l’œil, la racine et l’arête du nez, là où elle est plus forte, le tour du menton, l’arrondi du cou et le bord de la poitrine, là où sont esquissés les os des clavicules, et ensuite tu dessines les oreilles, en éclairant le pavillon. En un mot tu donnes au visage un surplus d’éclairage afin que les parties les plus lumineuses tendent vers le blanc - jaune, mais pas vers le très blanc. Mais fais bien attention, à chaque fois que tu passes une nouvelle couleur de chair plus claire, de ne pas recouvrir entièrement le précédent éclaircissement, indistinctement, mais laisse intactes à chaque fois, l’une après l’autre, les parties qui se trouvent ombrées. Car autrement tu détruirais la graduation des différentes nuances de chair, et le visage serait plein de dissonances ou plus exactement de fausses notes.
Après avoir porté le visage à ce point, tu écris d’abord les ouvertures, c’est à dire les écritures que tu dessines au début avec une couleur diluée en mettant davantage de Sienne brûlée, et les sourcils, comme la ligne sous les paupières (les cils) ; tu les renforce encore en rajoutant de la Sienne et au besoin un peu d’ombre brûlée. Écris aussi avec cette couleur foncée les narines, les lignes de la bouche sur la lèvre supérieure. Quant aux paupières supérieures à l’ombre du nez et à la lèvre inférieure écris les plus légèrement, avec délicatesse, et d’une couleur plus rouge, de même que les pavillons des oreilles.
Fais ensuite une teinte, en prenant à part un peu d’ombre naturelle, un peu de noir et davantage de blanc et avec cette couleur cendrée, écris le blanc de l’œil du côté qui convient. Ce blanc doit être de forme triangulaire avec un arrondi du côté de la pupille. Si tu veux que le visage dessiné ait un regard sévère, tourne le blanc vers le haut de la pupille . Si tu veux qu’il soit miséricordieux et plus doux tourne le davantage vers le bas, et si, enfin tu veux qu’il ait un mélange de sévérité et de douceur, tourne le blanc en haut et en bas de la pupille. Mais sache que ces choses ne sont pas écrites, mais que ce sont les tressaillements mystiques du cœur de l’hagiographe qui meuvent harmonieusement sa main. Car nous les écrivons autant que nous pouvons sous la conduite puissante du cœur. Sache aussi, ô élève bien-aimé que si tu veux que le Saint que tu peins regarde droit devant et jette l’œil sur celui qui le vénère, il faut que tu poses le blanc de l’œil du côté étroit du visage.
Après avoir bien laissé sécher le blanc que tu as passé dans l’œil, prépare un peu d’une teinte plus blanche que la précédente et pose la délicatement, avec soin, au milieu du blanc près de l’iris. Pose ensuite encore plus d e blanc et écris à nouveau au milieu, près de l’iris. Et ainsi le regard vit et donne un arrondi au globe. Mais sache que lorsque dans l’icône, l’œil est le plus loyal, le peintre qui donne une expression spirituelle au regard est un digne serviteur de cet art sain.
Dans les attitudes des visages qui pleurent ou sont affligés, et ont les sourcils froncés, les paupières ne sont pas très ouvertes et le blanc de l’œil dit être petit, étroit et moins clair. Tandis que dans les attitudes épouvantées ou admiratives, les paupières sont ouvertes et le blanc de l’œil accentué et tourné davantage vers le dessus de la prunelle.
La pupille de l’œil est peinte avec une Sienne brûlée liquide, mélangée avec un peu de Sienne naturelle, et elle est écrite finement avec de l’ombre brûlée, et au milieu de la pupille il y a aussi une écriture d’ombre naturelle et de noir. Les sourcils sont écrits entièrement avec de la Sienne brûlée épaisse avec une fine extrémité à leur base, près du sommet du nez ; ils ont des écritures d’ombre brûlée pure comme des poils poussés l’un près de l’autre.
Dans certains tableaux très anciens, dans l’iris se trouve se trouve aussi posé un signe plus lumineux qui rend le brillant de l’œil. Mais dans les icônes postérieures, l’iris est uni, sans brillant. Note que dans les icônes de l’hagiographie orientale, la pupille de l’œil n’est pas étroite mais allongée en forme d’olive.
Dans les grandes icônes, le coin de la paupière du côté du nez, appelé « fontaine », ou dans la langue ancienne «  kanthos » est écrit avec un rouge pur.
Le nez est peint suivant différents types. Plus gros et plus crochu est celui des vieillards. Au sommet, entre les yeux, il y a un dessin triangulaire ou fourchu. Les narines sont un peu éclaircies ou restent dans le ton du proplasme. Pour les narines, on écrit seulement celle qui se trouve du côté ombré du visage, mais celle qui est à la lumière, est seulement séparée de la joue par le proplasme juste un peu renforcé.
La bouche es peinte d’abord, simplement avec une carnation ; ensuite la lèvre supérieure qui est esquissée avec de la Sienne, est teintée avec du rouge anglais pur et au milieu tu poses une teinte un peu plus claire composée de rouge anglais, d’un peu d’ocre et de blanc. Quant à la lèvre inférieure, elle est peinte d’un ton plus clair fait de rouge anglais d’ocre et de blanc, exactement au dessus du ton de la carnation posée auparavant.
Ensuite tu fais une teinte pour les cheveux, c’est à dire un deuxième proplasme, différent pour les jeunes et pour les vieillards et tu le passe sur la partie de la coiffure. Mais pour les cheveux et la barbe nous expliquerons plus loin .
Après avoir mené à bonne fin la peinture de la carnation du visage, restent encore les finitions. Pose alors sur les parties les plus saillantes, c’est à dire le nez, les pommettes, les rides du front, les arrondis du cou, les lobes des oreilles, quelques fines lignes de blanc-jaune, l’une près de l’autre qu’on appelle lumières. D’abord fais les avec du blanc teinté d’ocre puis au bout d’un moment fais les avec du blanc pur, mais seulement à la base. Mais fais bien attention, élève très savant, de ne pas mettre avec la même force, indistinctement, les lumières sur chaque partie du visage qu’il convient de rehausser de clair ; mais fais le avec beaucoup de science, c’est à dire avec plus de force sur le front, sur les pommettes, sur le bout du nez et à la base du cou, avec plus de discrétion à la racine du nez, sur la fossette qui est au dessus de la lèvre supérieure, sur le menton, sur les oreilles.
Autres finitions : les taches rouges sur le visage, appelées «  pyrrodismos ». Celles-ci se font de la manière suivante : prends à part un peu de rouge anglais ou de cinabre et un peu d’ocre et fais en une teinte liquide et très, très claire, tu la passe délicatement avec un pinceau propre sur les joues, par dessus la carnation, en faisant attention de ne pas la délayer : commence très légèrement, puis en la renforçant autant que tu le souhaites, mais ne rougit pas démesurément, afin que les vénérables visages ne perdent pas leur chromatisme décent. Cette couverture avec une couleur liquide s’appelle «  étamure », car cette teinte est légère et diaphane et laisse apparaître par dessous la teinte de la carnation, comme c’est le cas de la rougeur sur le visage. L’étamure est le terme des anciens Grecs qui peignaient ainsi avec une légère couleur de cire leurs statues pour ôter le froid du marbre. Et jusqu’à aujourd’hui, les gens simples appellent étamure, l’étain dont l’étameur enduit les chaudrons pour éviter que les hommes ne soient empoisonnés par le vert de gris (oxyde) du cuivre.
Avec la même teinte rougeâtre tu passes le bas du nez entre les narines, les oreilles et légèrement le menton. Ainsi le visage prend un peu de chaleur, tandis que le front et le cou restent plus froids.
L’étamure peut se faire aussi avec d’autres couleurs, avec du vert sur la partie éclaircie, avec de la Sienne naturelle sur la partie ombrée, mais il vaut mieux t’abstenir de celles-ci, de crainte que ton travail ne perde la simplicité bénie.
Beaucoup d’hagiographes ascètes simplifient leur art et le rendent austère et en outre recueilli et très spiritualisé. Ces hommes bénis utilisent peu de couleurs et ne font pas non plus une chair séparée, mais travaillent les chairs nues en mettant dans le proplasme un peu de blanc, et ils peignent la chair du visage avec cet éclaircissement blanc cendré, qui est très beau pour celui qu’émeuvent les choses simples et modestes. De tels hagiographes étaient nombreux au temps des Turcs, entre autres ceux qui peignaient à la fresque dans le jeûne, la prière et une grande pauvreté.

COMMENT PEINDRE LES CARNATIONS DES MAINS ET DES PIEDS
AINSI QUE LES CORPS NUS.

(28) Nous avons décrit précédemment la façon dont on peint la carnation du visage. De la même façon, on peint les carnations des mains et des pieds. Sépare les noeuds des doigts à la deuxième couche de carnation, et écris les ongles avec du proplasme et non avec une couleur plus foncée. Les noeuds ou jointures dans les doigts des vieillards, fais en sorte qu’ils soient plus raides que ceux des jeunes. Dans les mains des saintes femmes ils sont très légers. De même pour les pieds, fais comme pour les mains. Les pieds des vieillards sont plus grands pour montrer la marche et la lassitude. Les sandales son marquées par une ligne mince, de Sienne, autour des pieds et les courroies sont écrites avec une fine ligne afin de ne pas détruire la simplicité et la pureté du dessin et de ne pas altérer leur caractère.
Les doigts des mains et des pieds sont écrits avec de la Sienne brûlée et d’un peu de rouge anglais. S’il s’agit d’une grande icône tu peux mettre un peu d’étamure rougeâtre sur le bout des doigts .
Quant aux corps nus, l’art solennel de l’hagiographie évite de les représenter et peint seulement ce qui est nécessaire, comme par exemple dans le Baptême du Christ, la Crucifixion, la Mise au Tombeau, et en outre les peint avec décence comme s’ils étaient suggérés. Pour cette raison les différentes parties du corps sont représentées non pas molles et charnues ; mais austères comme ciselées dans le bois, pour marquer la sainteté et décharnement. De tels dessins de la poitrine, du ventre, des mains, des pieds, poussent celui qui vénère l’icône à la componction et au recueillement, comme représentant ces choses dans l’incorruptibilité et le surnaturel.


COMMENT SE FONT LES CHEVELURES DES JEUNES.

On peint les chevelures des jeunes, ou plates ou ondoyantes, ou bouclées. Pour les chevelures plates : fais un proplasme à part, en mettant de la Sienne naturelle, un peu de Sienne brûlée et un peu de rouge anglais ; pose le sur l’ensemble de la chevelure, ainsi que sur celui de la barbe et de la moustache. Ensuite, écris les tout autour avec de ouvertures, c’est à dire des écritures de Sienne brûlée, sans écrire les mèches ou les pelotons de la chevelure très animée, mais seulement légèrement et d’une manière fluide, afin qu’ils apparaissent pour pouvoir faire les lumières qui conviennent. Puis tu fais une teinte avec de l’ocre et un peu de proplasme de la chevelure et écris sur les parties brillantes. Lorsque c’est bien sec, fais une teinte avec davantage d’ocre et très peu de blanc et écris avec un pinceau fin, les poils sur chaque éclaircissement, avec science et d’un manière qui montre la torsion des cheveux.
Tu peux aussi faire, pour la chevelure, un autre proplasme, en ajoutant au proplasme du visage un peu de noir et un peu de rouge et tu passes les éclaircissements avec du proplasme éclairci avec de l’ocre et du blanc, et les lumières avec du blanc jaune ; mais fais attention de répartir correctement les éclaircissements et d’éclairer davantage le côté où les cheveux ont plus de relief, et moins la partie ombrée.
Quant à la barbe, fais la plus unie, sans lumière du tout, en écrivant les poils avec un pinceau léger, manié de haut en bas, vers la pointe de la barbe qu’on épaissit davantage.
Les moustaches, coiffe-les pareillement, les amincissant vers les pointes, et faisant attention de les foncer du côté de l’ombre. Enfin, écris avec de l’ombre brûlée, le milieu des moustaches, là où elles rejoignent le bord de la bouche, sur la lèvre supérieure. N’oublie pas d’écrire avec une carnation moyenne et avec finesse, sous les moustaches, des deux côtés près des extrémités de la lèvre inférieure. Cela se fait dans les visages des jeunes barbus, non dans ceux des vieillards.

COMMENT FAIRE LA CHEVELURE ET LA BARBE DES VIEILLARDS.

Chevelures et barbes des vieillards sont plus difficiles à faire que celles des jeunes. Elles se font de deux manières : ou tu passes des tons de couleur cendrée des cheveux sur le même proplasme que le visage, et ensuite les lumières, ou tu fais un autre proplasme, en mettant du blanc, un peu d’ombre naturelle et un peu de jaune et en teintes tout e la partie des cheveux et de la barbe, jusqu’au bord.
Selon la première manière, les mèches de couleur cendrée sont nettement séparées du proplasme foncé. Selon la seconde elles sont détachées plus mollement, étant posées sur le deuxième proplasme.
Après donc avoir passé ce proplasme cendré, tu en fais un plus clair et tu écris les grosses touffes de la barbe avec un gros pinceau. Ensuite tu écris sur celles-ci les poils avec un blanc pur. On a besoin d’art et de science pour bien peindre les torsions des cheveux et la barbe enchevêtrée des ascètes, qui ont la barbe mouillée et emmêlée par l’absence de peignage, par le vent et par la chaleur du désert. Sans cela elles seraient maladroites, sans ton et sans caractère. Mais, en revanche, ne les fais pas avec trop d’application, trop léchées et avec affectation, elles y perdraient la docte simplicité. Pour le proplasme des cheveux de la barbe, tu peux mettre aussi une teinte bleu cendré avec du blanc et du noir, ou encore café foncé ou même verdâtre, de vert ombre naturelle et céruse. Tout cela lorsque tu l’auras pratiqué, vu et étudié, tu sauras de quelle manière penche ton sentiment, et tu travailleras en accord avec lui .
Si la chevelure et la barbe sont devenus très blanc, fais une étamure jaune cendré ou bleu cendré et passe la pour qu’elles prennent ce ton.

COMMENT SE FONT LES AUREOLES DES SAINTS


.Dans l’icône qui a un ciel d’or, on y écrit seulement les cercles sur l’or, le cercle extérieur finement et le cercle intérieur plus épais. On les écrit avec du rouge anglais comme les épigraphes de l’icône. Du fait que l’or est huilé par le bol, le pinceau n’écrit pas et l’écriture s’arrête, il faut donc avant d’écrire, essuyer d’abord l’or avec un coton et un peu d’œuf ou du raki ou de l’esprit de vin. Si tu que ce soit bien écrit et plus solide, verse dans le rouge anglais un peu d’huile d’olives pure. Mais si tu peins sur un mur ou sur une icône sans or fais les auréoles d’ocre pure et écris d’abord les cercles, mais celui de l’intérieur en rouge anglais ou Sienne brûlée et celui de l’extérieur en blanc.
Dans l’auréole du Christ, on écrit une croix à trois branches, l’une vers le haut et les deux autres latérales. Dans ces branches, ou bien tu fais des broderies de perles ou de pierres précieuses, ou bien tu écris les trois lettres saintes : O Ô N.
Si tu veux, teinte les branches de la Croix de pourpre de rouge anglais, d’un peu d’ocre ou d’un peu de blanc, et dessine ensuite les lettres que nous avons dites ou les broderies.

COMMENT PEINDRE LES VÊTEMENTS

Les vêtements se font de diverses teintes. Après avoir passé les divers proplasmes de la teinte que tu as choisie, claire ou foncée où il convient, tu prends du même proplasme et tu mets dedans un peu de blanc pour qu’il devienne plus lumineux que le proplasme lui-même, et tu passes la première «  lamma » car on appelle « lamma » dans le langage de l’art les couches lumineuses de la teinte.
Après que cette première couche ait séché , tu en passes une deuxième, plus claire par dessus mais plus étroite qu’elle. Tu peux ainsi passer de une à quatre lammas, et par dessus poser des lumières sur les parties les plus raides. Sache aussi que tu peux poser sur les lammas, un peu d’une autre couleur pour les rougir, les verdir ou les jaunir davantage . Tu peux encore poser des lammas d’une toute autre couleur que le proplasme, du moment qu’elle est en harmonie avec le dit proplasme ;par exemple sur un proplasme rougeâtre tu poses une lamma cendrée ou verte ou bleu claire, mais toujours une froide sur une chaude, et c’est beau ! Ceci est appelé vêtement à deux couleurs ou encore «  lammatisés ».
Note bien qu’avant de commencer les lammas, il faut écrire les plis avec des lignes plus foncées que le proplasme qu’on appelle « ouvertures ».Mais certains vêtements sont écrits seulement avec une ouverture foncée sur le proplasme, ou prennent seulement une modeste «  lumière » : ils ne sont nullement écrits mais reçoivent, sur le proplasme non écrit une lamma cendrée et sont ainsi très agréablement faits.
Sur un manuscrit d’hagiographie, j’ai trouvé ces mots : «  les lumières » des lammas ne se font jamais avec du blanc seul, mais mélangé avec un peu de proplasme pour ne pas être trop agressives. Car d’autant plus modeste elles sont, d’autant plus elles apparaissent harmonieuses et pieuses »
Les vêtements de couleur claire s’écrivent avec des ouvertures légères et non brutales. Pour les écrire prends un peu de proplasme et un peu de couleur plus foncée et tu écris avec ce mélange.
Quelques vêtements sont lammatisés avec des plumes d’or, c’est à dire avec de lignes d’ocre, comme on le fait dans le vêtement du Christ pour une plus grande solennité. On procède de même sur les ailes des anges, les trônes, les tabourets, les meubles, les chariots, les troncs des arbres, les lisérés des vêtements, les cuirasses, casques, boucliers et autres armes.
Les habits sacerdotaux des Hiérarques sont peints, la chasuble avec des croix multiples de différents dessins, les palliums, blancs avec de légères ombres roses ou vertes, ou bleu cendré, les étoles, épignonatia et épimanica se font soit jaunes avec de l’ocre, ou avec de la Sienne naturelle ou brûlée et des plumes d’or.
Saint Basile et Saint Jean Chrysostome portent ce qu’on appelle « sac » ou « dalmatique », habit lourd et boutonné sur les côtés, avec des manches larges et ornés avec des cercles dans lesquels sont écrites des croix.
Dans le vêtement des Hiérarques qui portent une chasuble, il y a deux bandes noires qui descendent jusqu’aux pieds et sont appelées «  fleuves ».
De même sur le chiton des saints qui sont habillés d’anciens vêtements grecs, il y a du côté droit, partant de l’épaule et descendant jusqu’en bas, une bande ornée de plumes d’or, appelée «  signe » ou « paryphi ». Le Christ porte aussi une telle bande. Dans la langue latine, elle est appelée « clavus ». Fréquemment le chiton porte deux bandes ou une seulement comme « périvrachionion » sur le bras droit.
Remarque encore que les courroies des sandales ; les cannes, les javelots, les croix que tiennent les Saints, de même que les épigraphes des donateurs, etc... sont écrits avec une ligne fine pour ne pas gâter la sobriété de l’icône.

A PROPOS DES EDIFICES.

Les édifices sont peints avec deux proplasmes, un pour le côté éclairé, et un autre pour le côté à l’ombre, ils sont lammatisés et cérusés de la même façon ; comme les vêtements bicolores, ainsi se font aussi les édifices bicolores et tricolores. Les tuiles sont peintes ainsi : tu passes un proplasme de Sienne brûlée ou de rouge anglais ; puis tu fais les séparations avec de l’ombre brûlée, en carrés ou en morceaux de gâteau obliques, et tu poses une lamma rougeâtre clair en triangle sur la moitié du carré et ensuite tu écris avec des lumières plus claires avec du rouge anglais, un peu d’ocre et du blanc.
Les fonds sombres des portes et des fenêtres, emplis les de noir pur. Tout autour écris des encadrements avec une couleur légère et différentes enjolivures. Souvent des toits d’un bâtiment à l’autre il y a des voiles étendus appelés « vilas », pour davantage d’harmonie et pour plus de solennité, en symbole de l’ombrage.

A PROPOS DES ARBRES ET DES PLANTES.

Les arbres sont peints ainsi : tu dessines avec la Sienne brûlée les troncs et les branches, ensuite tu fais une teinte verdâtre et avec celle-ci tu écris les feuilles tachetées sur le proplasme, et par dessus tu poses des lumières vert jaune. Les troncs, tu les fonces avec de l’ombre brûlée en dessinant dessus des noeuds et des cavités. Les plantes, tu les dessines avec de la Sienne brûlée ou avec du noir, légèrement, et comme avec un peigne. Ensuite, tu les embellis en les ornant de petites houppes rouges et vertes avec des noeuds et avec différentes graines. Elles figurent des ronces, des buissons, des thyms, des aubépines, des asphodèles et d’autres espèces sauvages de l’été. Sur l’icône de saint Jean Prodromos, on peint un arbre sauvage, yeuse ou chêne, avec le tronc tordu ; et dans le tronc est planté une hache.

A PROPOS DES MONTAGNES ET DES GROTTES

On peint les montagnes avec des pierres découpées comme des escaliers, comme il y en a sur les rochers appelés schistes. On les «  lammatise » soit avec la même couleur que le proplasme à laquelle on ajoute du blanc, soit avec une lamma bicolore ou tricolore. On peint les grottes avec un fond très noir, les bords déchiquetés et avec des entailles et des lézardes.

COMMENT ON PEINT LA MER ET LES RIVIERES.

On peint les rivières ainsi : on représente les bords des rivières éboulés, avec beaucoup de cassures et de becs, comme les bords des grottes. A l’intérieur de ceux-ci, on peint l’eau de la rivière comme si elle se précipitait avec impétuosité et en tournoyant. Pour faire l’eau, pose un proplasme foncé que tu composes avec du noir, un peu de blanc, de l’outremer et un peu de vert, et par dessus tu lammatises avec une première et une deuxième lamma en bandes, la première près de la seconde, qui représentent les courants de l’eau, et tu poses les lumières sur les arêtes. C’est ainsi qu’on peint le Jourdain dans le Baptême du Christ, et on l’orne de petits poissons qui nagent ici et là, perches et anguilles, poissons de la rivière.
On peint la mer de la même manière, seule la forme des vagues diffère des courants de la rivière.

COMMENT ON PEINT LES VILLES ET LES CHÄTEAUX

On peint la ville toujours entourée de murs comme un château, à l’intérieur desquels on montre des maisons, des églises et divers autres bâtiments de différentes couleurs, les uns avec des tuiles, d’autres avec des coupoles . Le château a tout autour des remparts, c’est à dire des créneaux une enceinte et beaucoup de tours dans les coins. La porte en est grande et voûtée, ou carrée, ornée de sculptures ; souvent au dessus d’elles quelque statue. On peint les châteaux sans maisons construits sur les montagnes, au bord des précipices.

COMMENT PEINDRE LES CHEVAUX.

On peint les chevaux blancs, rouges ou noirs. Pour les blancs prends un proplasme bleu clair fait de noir et de blanc, pour le jaune cendré d’ombre naturelle, de blanc et d’un peu d’ocre. Passe deux lammas et fais les lumière avec du blanc pur. Les rouges, fais les avec un proplasme de Sienne brûlée, les lammas cendrées faites de noir et blanc. Pour les chevaux noirs fais un proplasme avec du noir, un peu de blanc et d’ombre naturelle pour qu’il ne devienne pas bleu, et tu lammatise avec le même proplasme un peu éclairci, ou avec une ou deux légères lammas auxquelles tu ajoutes un peu d’ombre naturelle encore pour qu’elles ne bleuissent pas.
Le cheval blanc est celui de Saint Georges, le rouge de Saint Démétrios, de Saint Minas, de Saint Procope et des Saints Théodore. Mais ces Saints peuvent aussi monter des chevaux noirs, sauf Saint Dimitrios qui a toujours un cheval rouge.
Les brides des chevaux et les autres harnais, de même que la selle, sont peints avec de l’ocre. La couverture sous la selle, est peinte avec du rouge ou du vert ou du violet, et avec une lisière d’or faite d’ocre .
Les chevaux dans l’hagiographie byzantine, sont peints avec une petite tête, des pattes fines comme celles du cerf, une queue arquée, nouée, une croupe arrondie, le poitrail arrondi comme celui des oiseaux, avec un regard humain, légers et le corps petit par rapport au cavalier, animaux religieux exhalant la noblesse et la grâce, comme s’ils savaient qu’ils portaient sur eux des Saints. Des chevaux de feu traînent le char du Prophète Elie lorsqu’il est emporté dans le ciel.

LES BŒUFS ET LES ANES.

On peint les bœufs rougeâtres avec des narines claires, de petites cornes, de gros yeux et une houppe sur le front . On peint l’âne avec un proplasme cendré, une grosse tête et de longues oreilles, l’une tournée vers l’arrière, l’autre vers l’avant, le corps, petit, la croupe arrondie, les pattes fines comme un chevreuil, un regard doux et une houppe sur le front.
On peint ces deux animaux dans la Nativité du Christ, au dessus de la Crèche et ce sont des créatures modestes et innocentes. On peint l’âne également dans l’Entrée à Jérusalem, (Vaïphoron) animal béni, car il a été digne de porter le Christ.

LES CHEVREUILS ET LES CERFS.

On peint souvent des chevreuils et des cerfs dans l’iconographie Byzantine, car ce sont des animaux qui ont de la noblesse et de l’innocence. On les peint légers et gracieux, les pattes fines, une petite tête et de grands yeux ? on en peint également dans les manuscrits, buvant aux fontaines, selon le Psaume qui dit : « Comme le cerf assoiffé aspire à la source des eaux, ainsi mon âme aspire vers Toi, ô Dieu ».

BETES SAUVAGES ET DRAGONS.

On peint des bêtes sauvages surtout dans les martyres des Saints, principalement des lions. Pour ceux-ci, on fait un proplasme de Sienne naturelle ou d’ocre assombri d’un peu d’ombre naturelle, et avec deux lammas. On les montre comme avec des visages humains, des yeux sauvages, de petites oreilles arrondies, un nez large et une grande gueule de laquelle dépassent des dents pointues. Leur corps est petit et maigre, avec les flancs marqués, une crinière peignée et des pattes vigoureuses, garnies de griffes recourbées.
On dessine des lions dans le martyre de Saint Ignace le Théophore qui est déchiré par deux lions qui se précipitent sur lui, l’un debout, l’autre la tête en bas. Des scènes de bêtes sauvages sont aussi représentées dans les icônes d’autres Saints. De même le Prophète Daniel est montré debout au milieu des lions. On peint Saint Mamas assis sur un lion. Il y a aussi un lion près de l’Evangéliste Marc. On peint aussi Saint Jérôme le Jordanite, parlant à un lion et le réprimandant parce qu’il mangeait son âne.
On peint des dragons ailés, le corps couvert d’écailles verdâtres, avec des ailes rouges, une tête comme celle d’un crocodile, la gueule ouverte, pleine de dents aiguës, des yeux enflammés et sanguinolents, une langue comme une flèche acérée, comme aussi le bout de la queue, des pattes fortes et garnies de griffes recourbées. Des dragons sont dessinés dans la deuxième Parousie, ainsi que d’autres bêtes sauvages et des oiseaux mangeurs de chair. Il y a aussi le dragon renversé de l’Apocalypse. Et encore un tel dragon en bas de l’Echelle de Saint Jean au Sinaï, avec la gueule ouverte, prêt à avaler les moines indignes qui tombent de l’Echelle.
On peint des poissons dans la rivière du Jourdain et dans la mer de Tibériade. Un poisson est placé dans l’assiette qui se trouve sur la table du Repas Mystique. On peint aussi le poisson féroce, c’est à dire le cétacé qui avait avalé Jonas. On peint encore certains monstres imaginaires, dans de rares fresques, comme des centaures, des créatures aux pieds noirs, au visage sur la poitrine, des satyres, des cynocéphales, des gorgones, ainsi que des vents, des fleuves, des souffles d’ouragan et d’autres choses à qui l’on donne visage humain.

PAONS ET AUTRES OISEAUX.

Les Byzantins peignaient des paons seulement sur les manuscrits et dans les décors des palais et des anciennes églises. Ils peignaient de même, sur les manuscrits et parfois sur les Evangiles de la Théotokos, des perdrix buvant à une fontaine comme symbole de la sagesse et de la modestie. On peint un aigle comme symbole de l’Evangéliste Saint Jean.
On peint un corbeau volant au-dessus de la grotte du Prophète Elie, lui apportant du pain.

INSTRUCTIONS TECHNIQUES QUE J’AI TROUVEES
DANS DE VIEUX MANUSCRITS D’HAGIOGRAPHES

A propos des carnations.

Dans la carnation, tu mets du blanc, un peu d’ocre et un peu de cinabre ; tu délayes avec de l’œuf, équitablement. Et lorsque tu peins ces carnations, tu les adoucis en y ajoutant un peu de proplasme. Et de nouveau, tu ajoutes dans la chair de la cinabre, tu fais le rougissement. Puis, puis tu fais les lumières avec du blanc seul, qui donne la vigueur à la carnation. Laisse sécher, puis, prépare de la chair diluée d’eau et couvres en les lumières, cela donne beaucoup de douceur et d’agrément. Avec le rougissement tu fais les orbites, en y ajoutant un peu de proplasme. Avec le rougissement seul, se font aussi les lamma sous les lèvres, mais celle du dessus des lèvres se font avec de la cinabre pure. Les globes des yeux, dans les grandes icônes, tu y mettras un peu d’ocre claire, et avec cette carnation moyenne tu éclaircis le seul côté qui montre un peu le blanc de l’œil. Pour éclairer les yeux, tu mets du blanc avec un peu d’outremer, légèrement, et termine avec du blanc seul.
A propos des montagnes et des maisons.

Il y a quatre façons de faire les montagnes et les maisons. Elles se font couleur lin (cendrée). D’autres se font avec de la cinabre, un peu d’ocre et beaucoup de blanc. D’autres encore se font avec de la céruse, un peu d’outremer et un peu d’ocre. Le rocher de la Crucifixion se fait aussi de trois manières : soit, bleu  (violet) ; soit avec du blanc, un peu de rouge anglais et un peu d’ocre ; soit encore lin.

A propos des boiseries.

Les boiseries se font avec de l’ombre en ajoutant autre chose, par exemple du blanc ; éclaircissements avec du noir. En mettant un peu de proplasme tu lammatises et tu fais les lumières avec le même proplasme. Cela se fait aussi avec de l’ocre en ajoutant un peu de noir et du blanc.
A propos des ocres Les ocres rouges se font avec de l’ocre, de la cinabre et du blanc dans les proportions suivantes : trois parts d’ocre, une demi part de cinabre et une demi part de blanc. On éclaircit avec de l’ocre et un peu de rouge anglais.

Exégèse des différents termes techniques qui se trouvent
Dans les anciens manuscrits hagiographiques.

Avec beaucoup de peine, nous avons pu interpréter la signification des termes de l’art qui se trouvent dans les anciens manuscrits.

  • Zincaire était le nom donné par les anciens au vert qui vient du cuivre, appelé autrement « vardamon », et non du zinc, comme la couleur blanche que nous avons aujourd’hui, pour la raison qu’il n’y avait pas de zinc à cette époque, mais seulement de la céruse appelée « psimmithi », qui vient du plomb.
  • Psifi était le nom de l’outremer.
  • Acide, désignait le rouge anglais, on l’appelait aussi « moutarde ».
  • Noir acide, désignait la couleur rouge foncé.
  • Ocre foncée, désignait la Sienne naturelle.
  • Lin, désignait la couleur cendrée qui se fait avec du blanc et du noir.
  • Linochroun, désignait le lin très clair, l’argent.
  • Laque sombre, désignait la laque cramoisie foncée.
  • Rougissement ou rougeâtre se disait du rouge léger que l’on met sur les joues.
  • Bol, désignait la Sienne brûlée.
  • Bol clair, désignait le rouge anglais.
  • Ocre politique, désignait l’ocre orangée.
  • Ocre thasitique, désignait l’ocre d’or.
  • Ocre vénétique, désignait l’ocre verdâtre.
  • Linocapia, désignait les plumes d’or.
  • Santal, désignait la résine ou la colophane.
  • Plaque verte, désignait la couleur vert cendré, appelée aujourd’hui, terre verte italienne.
  • Lazure, désignait l’indigo, qui ressemblait à l’outremer d’aujourd’hui.
  • Igotas, est le vert foncé fait avec le chaudron (de cuivre).

    Artô ou artyô, voulait dire préparer, apprêter, particulièrement faire avec beaucoup de couleurs une seule teinte.

COMMENT FAIRE UN VERNIS

Prends cent dragmes (32grs.) d’esprit de vin pur, 50 dragmes (16 grs.) de sandraka et 25 dragmes de colophane, et mets le tout dans un récipient. Prends ensuite un chaudron de cuivre ;.remplis le à moitié d’eau et fais la bouillir en y mettant le récipient avec son contenu. Lorsque la sandraka est diluée, retire le : le vernis est prêt.
Il existe toute sorte de vernis, décrites dans les livres techniques. Mais la plupart noircissent avec le temps ; puisque l’icône peut être endommagée par le vernis, le mieux est de passer à la gomme laque, l’auréole, l’inscription et ce qui est écrit sur l’or du ciel et ensuite de passer toute l’icône à l’encaustique, avec quelques gouttes d’huile de lin, crue et pure. De cette manière les coloris ne s’animent certes pas beaucoup, mais l’icône est à l’abri du noircissement. Et comme elle ne resplendit pas mais qu’elle est terne comme avant d’être vernie, si tu veux qu’elle brille, laisse la quelques jours, et ensuite, après l’avoir chauffée au soleil, frotte la légèrement avec un chiffon de laine ; elle prend alors un beau brillant léger.

COMMENT VERNIR.

Mets l’icône sur le dos et allonge un peu le vernis avec de l’esprit de vin pur, car il ne doit pas être trop épais, et passe une couche avec un pinceau gros et très souple. Si c’est l’été, place l’icône pendant un moment au soleil, pour qu’elle soit un peu chauffée. Mets aussi le vernis au soleil pour qu’il s’égalise et ne fasse pas de grumeaux et d’inégalités. En hiver quand il fait froid mets ton icône devant le feu et chauffe aussi le vernis, comme lorsque tu l’as préparé, en le mettant dans un bain-marie. Passe ensuite le vernis. A chaque couche de vernis que tu passes, chauffe l’icône pour bien étendre le vernis et l’empêcher de refroidir. Ne vernis pas s’il fait froid car il y a risque de détériorer l’icône. Ne passe pas de gomme laque sans chauffer et l’icône et la gomme laque. Pour cela, fais très attention.

Manières larges et étroites.

Le caractère technique des icônes de l’art byzantin est sur le fond, seul et unique ; encore qu’il existe, encore qu’il existe certaines différences dans sa présentation et dans la manière dont il est travaillé. Beaucoup d’anciennes icônes sont peintes avec des proplasmes plus clairs et avec des carnations plus blanches, et les parties ombrées ne sont pas séparées brutalement des parties éclairées. Sur de telles icônes les carnations sont plus grandes, laissant peu d’ombre, le proplasme est Sienne brûlée claire ou verdâtre. Les carnations sont blanc-jaune, avec des lumières très blanches. L’artiste ne fait pas apparaître les rides des vieillards sur le front et sur les joues, avec du proplasme pur, afin qu’elles ne soient pas dures et brutales, mais il les représente dans la deuxième ou troisième couche de carnation, pour qu’elles soient plus adoucies. Dans les visages jeunes, il ne représente sur le front aucune ride, mais il fait le front uni et le cou également. Dans cette manière de peindre les rougeurs sont plus vives, faites avec de la cinabre, et les cheveux et la barbe des vieillards sont éclairés, d’un bout à l’autre avec un proplasme cendré particulier sur lequel on écrit les mèches de poils avec une couleur plus blanche et des lumières totalement blanches. Cette technique est appelée claire ou large.
L’autre technique est appelée étroite parce que les carnations sont étroites et peu nombreuses, les parties ombrées entourent les parties éclairées comme la mer entoure les îles. Dans cette technique, le proplasme du visage est le plus souvent foncé, voire noirâtre, fait avec un mélange de Sienne brûlée, d’ombre brûlée et d’un peu d’ocre, sur lequel les écritures sont faites avec de l’ombre brûlée. Les carnations sont jaune-rouge et non de couleur claire avec des lumières discrètes et jaune-ocre. Dans beaucoup de ces icônes, les lumières sont tracées brutalement sur les carnations foncées, qui sont un peu plus éclairées que le proplasme. De cette manière, les visages et les autres parties nues acquièrent une clarté métallique, comme si elles étaient cuivrées. Les cheveux et la barbe des vieillards sont « lammatisés » sur le proplasme de la chair, sans autre proplasme particulier et les mèches sont représentées séparées, comme les carnations et non réunies régulièrement comme dans la technique «  claire ». Ces parties poilues sont jaune cendré et non blanc cendré. Nous appelons cette technique étroite, car c’est avec elle que travaillaient dans les époques postérieures, les hagiographes crétois sur la Sainte Montagne, dont beaucoup d’oeuvres ont été conservées, sur des planches ou sur les murs. Mais beaucoup d’artistes, à l’époque plus ancienne pratiquaient aussi de cette manière, c’est à dire avec un proplasme foncé, des carnations discrètes et des lumières brutales, alors qu’à la même époque, d’autres artistes travaillaient avec la manière large.
Les archéologues nomment la technique large macédonienne, car la plupart des oeuvres de cette technique se trouvent en Macédoine. Mais à Constantinople, par exemple certains peintres employaient la technique étroite, d’autres la technique large. A ma connaissance il n’existe pas de limite géographique pour dire macédonienne et crétoise. En Crète même les oeuvres hagiographiques de la technique claire sont plus nombreuses que celles de la technique foncée. Les fresques et les mosaïques particulièrement ressortissent de la technique claire. Voyez ppar exemple les fresques du Protatos de Karyes sur la Sainte Montagne, qui selon la tradition sont des oeuvres de Manuel Pansélinos de Thessalonique, les fresques de la plupart des églises, qui ont été conservées en Serbie et en Macédoine, particulièrement à Thessalonique où fleurissait l’art de la peinture, les mosaïques des saints Apôtres, les mosaïques et les fresques du monastère de Chora à Constantinople, les fresques du Vrondochios et des Saints Théodore à Mystra, le Monastère de Daphni à Athènes et beaucoup d’autres oeuvres. A l’inverse, la technique sombre est pratiquée dans beaucoup d’autres oeuvres faites à la même époque, comme par exemple les mosaïques d’Osios Loukas et de Nea Moni de Chios et les fresques de la Peribleptos, de la Pantanassa et de Saint Dimitrios à Mystra, du monastère de Vatopédi à la Sainte Montagne, quelques unes des fresques de Geraki et beaucoup d’autres oeuvres, dans divers endroits.
Il existe même des oeuvres qui ont simultanément les caractéristiques des deux manières. Elles ont des dessins larges, des visages arrondis et des teintes vives, toutes caractéristiques de la manière claire mais, d’autre part, les proplasmes sont foncés, les carnations étroites et monochromes et les lumières brutales comme dans la manière foncée.
L’art des hagiographes crétois possède aussi dans le dessin et dans les chromatismes une sobriété ascétique, c’est un art monacal, fait par des religieux et pour des monastères. Le dessin est austère et sec, les visages maigres et décharnés, les statures élancées, les membres comme de bois. Les chromatismes, eux aussi sont ascétiques, sombres avec une sobriété de jeûne. Dans l’ensemble la technique de ces peintres crétois a un caractère dogmatique et mystique. : silhouettes maigres couleurs modestes et en petit nombre ; un tel art monacal existait aussi à l’époque plus ancienne des Paléologues, mais après la prise de Constantinople, il prit un caractère plus ascétique et plus dogmatique, époque où l’Orthodoxie fut troublée et l’âme des Grecs en deuil.
Dans les années qui suivirent, cet art monacal recouvrit toute la Grèce et généra des oeuvres qui diffèrent selon les lieux. Mais tous les hagiographes laïques qui ont peint des milliers d’églises à l’époque de la domination des Turcs ont travaillé avec la même piété qui transparaît dans les oeuvres des peintres crétois. Ces oeuvres sont les plus purs fleurons de l’art hagiographique, faites sans aucune démonstration de savoir faire, simples, modestes, pleines de componction, montrant une certaine innocence émouvante .
Heureux, celui que le Seigneur a rendu digne de travailler artistiquement à ses oeuvres avec autant d’innocence bénie !

AU SUJET DES EPIGRAPHES.

Les épigraphes des images, sur les icônes sur bois, sont écrites comme nous l’avons dit précédemment, avec du rouge anglais sur le ciel d’or, ainsi que les auréoles. Sur les fresques, on les écrit dans le ciel bleu ou noir, avec du fard blanc. Fais attention pour les lettres, qu’elles ne soient ni trop grandes ni trop petites, mais en proportion avec l’icône. De même, règle les épigraphes, en sorte qu’elles complètent l’icône, en couvrant la partie qui reste d’une manière harmonieuse. Il ne faut pas que les lettres soient écrites d’une manière uniforme et mécanique, comme imprimées mais avec saveur, à la manière d’un artiste. C’est à cela qu’on reconnaît la bonne technique.
De même les broderies et les ornements qui entrent dans diverses parties de la fresque doivent être peu nombreux mais choisis, et avoir une correspondance avec les icônes qu’ils ornent, et être réalisés librement, et avec un goût d’artiste. Et non uniformément et mécaniquement comme s’ils étaient imprimés.
Tu entoures chaque icône d’une bande comme d’un cache qui a une largeur proportionnelle à l’icône et qui es colorée avec du rouge anglais ou de la Sienne brûlée, elle-même délimitée par deux fines lignes blanches, l’une à l’extérieur, l’autre à l’intérieur.

AU SUJET DU SOL DES ICÔNES.

Le sol que foulent les Saints est verdâtre, fait de vert, d’ombre ou de Sienne naturelle et de blanc, ou encore de vert, d’un peu de noir et de blanc ; mais il arrive parfois avec de la Sienne brûlée et de l’ombre et encore moucheté, c’est à dire avec des petites taches d’ombre par-dessus l’ombre.
La ligne qui sépare le sol du ciel, on l’écrit un peu au-dessous du genou. Dans de nombreuses fresques il existe aussi une large bande entre le sol et le ciel, de couleur rose, faite de rouge anglais, d’un peu de Sienne et d’ombre naturelle et de blanc. Cette bande est rose si le sol est vert ; mais elle doit être verte sur un sol d’ombre ou de

COMMENT SONT PEINTS LES CARACTERES DES VISAGES
DANS LES SAINTES ICÔNES

Dans les visages jeunes, on peint le front moyen et sans rides, les yeux grands, les sourcils fortement marqués, le nez étroit et léger, la bouche petite et un peu retroussée dans les coins, les cheveux légèrement ondulés ou frisés, la mâchoire arrondie.
Les visages des vieillards ont leur partie haute, front et crâne, développés, le front ridé au-dessus des sourcils, les yeux plutôt petits et peu ouverts ; certains ont le nez étroit et droit, d’autres plus gros et arrondi.
On écrit les yeux en amandes, d’une plume légère et agile, les paupières en amandes avec deux lignes, l’une plus forte et vive, l’autre plus légère avec de l’ombre brûlée. L’iris des yeux, n’a pas une forme ronde mais ovale, d’une couleur marron et au milieu on pose un grain d’ombre brûlée pure ou de noir. On peint le blanc des yeux d’une forme triangulaire ou en forme de virgule, d’abord avec une couleur cendrée, faite de blanc, d’un peu de noir et d’ombre naturelle, et par dessus nous posons près de la pupille un fard plus blanc, pour faire apparaître le bombement sphérique de l’œil.
On écrit les sourcils avec de la Sienne brûlée et on renforce, à la racine avec quelques poils d’ombre brûlée. Sur les visages des vieillards, à la racine des sourcils, nous écrivons avec une plume légère une touffe de poils blancs. Sur les visages affligés, les sourcils se rejoignent à la racine du nez, les yeux sont dessinés obliques et à l’ombre qui se trouve au-dessous des orbites on donne une forme triangulaire, comme si on creusait un sillon sir la joue.
Le nez dans sa partie haute est dessiné triangulaire, ou en deux branches comme la lettre « V ». Les narines sont dessinées rondes ou longues et étroites selon le caractère du visage, en prenant garde que soit plus étroite la narine qui se trouve du côté étroit du visage. A la base du nez les deux narines sont écrites avec une ligne marron foncé. Sur l’arête du nez nous posons deux touches de fard, du haut vers le bas, et dans la parti du bas où le nez grossit, nous posons une touche de fard arrondie. Dans les grandes figures, près de celles-ci, nous en posons deux autres plus légères. Les narines sont découpées par dessus le proplasme avec une carnation lumineuse, ou sont éclaircies, mais plus légèrement que le milieu du nez, et seulement du côté éclairé. Dans de nombreux visages de vieillards, les narines sont retroussées quand le nez est crochu. La lèvre supérieure de la bouche est dessinée avec du rouge anglais, et dans les coins avec de la Sienne brûlée, la lèvre inférieure plus claire, avec du rouge, un peu d’ocre et un peu de fard ;
Dans les visages attristés, les coins de la bouche tombent vers le bas, ajoutant de la tristesse et de la souffrance.
Le dessin des oreilles est assez différents selon le genre artistique du peintre. Dans certaines icônes, on peint seulement avec une légère courbe, s’élargissant vers le haut. Dans d’autres, à l’intérieur de cette ligne de l’oreille on peint une autre circonvolution. Dans d’autres encore on dessine l’oreille fermée, avec une fossette foncée au milieu. Les oreilles varient avec le style de l’époque. Dans les visages qui ont de grands cheveux ou une chevelure touffue, on dessine seulement le bas de l’oreille.
On dessine le cou avec une ride qui le coupe, et cette ride, dans le visage des jeunes est plus molle, et dans celui des plus âgés, plus dure. Dans beaucoup de visages, on dessine, au milieu, une petite dépression appelée fosse jugulaire, là où se rejoignent les clavicules.
Les cheveux des jeunes sont travaillés avec un proplasme fait de Sienne brûlée et d’un peu d’ombre, ou avec de l’ombre brûlée, Sienne brûlée et un peu d’ocre. On les façonne avec de l’ocre et un peu de rouge anglais.
Les cheveux et les barbes des vieillards sont exécutés sur un proplasme de visage, en posant des mèches faites de blanc cendré et d’un peu d’ombre naturelle, ou de blanc et d’un peu de noir. Mais tu peux aussi couvrir complètement les cheveux et la barbe avec un autre proplasme, fait d’une couleur cendrée chaude ou froide, et poser par dessus des mèches plus blanches, et à la fin, des poils avec des touches de fard blanchâtre.
Il est nécessaire ‘accorder une grande attention, pour bien apprendre les courbes exactes des cheveux et des barbes surtout dans les visages des vieillards, chose difficile dans l’art de l’hagiographie.
Sur les crânes chauves, la partie du visage qui est au-dessus des arcade sourcilières, doit avoir une hauteur allant jusqu’à deux nez, pour être comme l’exige l’art austère de l’hagiographie. Quant aux bavardages qu’ont coutume de tenir certains détracteurs de cet art saint qui assurent que ce ne sont pas là mesures naturelles, passe outre comme à des discussions vides, selon l’Apôtre. Pour la même raison, dans le reste de ton art, prends seulement soin de la perfection de ton ouvrage et n’accorde pas d’importance aux vains propos de tels hommes.

 


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